BENNASSAR BARTOLOMÉ (1929-2018)
Historien de renommée internationale, prolifique et inventif, Bartolomé Bennassar est une des figures majeures de l’hispanisme français. Avec plus d’une trentaine d’ouvrages à son actif, certains en collaboration, il ne s’est jamais cantonné à un seul registre. Si l’Espagne, tant moderne que contemporaine, a été l’objet central de sa recherche, il s’est souvent échappé de son domaine de prédilection, vers l’Amérique latine, la tauromachie ou le roman.
Né le 8 avril 1929 à Nîmes dans une famille modeste, d’un père espagnol originaire de Majorque, Bartolomé Bennassar contracte très tôt le goût de l’histoire et de la géographie à la lecture de Jules Verne. En regard des grands historiens de sa génération, son parcours est singulier – ni khâgne ni École normale supérieure – mais une double licence d’histoire et géographie entre Montpellier et Toulouse couronnée par l’obtention du CAPES en 1950. Il songe ensuite à l’agrégation de géographie, mais se tourne finalement vers celle d’histoire qu’il obtient en 1952. Fernand Braudel, dont il dira souvent combien la lecture de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II (1949) l’avait émerveillé, préside le jury. En 1955, ce même Braudel lui propose le thème de son sujet de thèse « Valladolid au Siècle d’or ». L’année suivante, alors qu’il est pensionnaire de la Casa de Velázquez (Madrid), après deux années d’enseignement au lycée Périer de Marseille, il est recruté comme assistant à la faculté de lettres de Toulouse par le doyen Jacques Godechot. Il devient professeur en 1969, préside même l’université entre 1978 et 1980 et y fait toute sa carrière, jusqu’à sa retraite en 1990. C’est pendant son mandat que se produit le drame de sa vie, la disparition tragique de son fils Jean, à l’âge de vingt-deux ans.
Soutenue en 1967, sa thèse d’État prend rang parmi les grandes thèses « annalistes » de la période, au même titre que celle de Pierre Goubert sur Beauvais et le Beauvaisis ou de Pierre Vilar sur la Catalogne dans l'Espagne moderne.
Par l’analyse, en grande partie sérielle, de la société urbaine de Valladolid, en Vieille-Castille, plus soucieuse de consommation que de production et dont les élites ont « la rente pour idéal », Bennassar, bien au-delà de l’étude de cas, apporte une contribution majeure à la recherche des origines de la décadence espagnole du xviie siècle.
Devenu au fil des ans une des figures de proue de l’hispanisme français, il va exercer un réel magistère sur les jeunes historiens espagnols assoiffés de renouveau dans les années du franquisme finissant. En effet, même si Ramón Carande ou Felipe Ruiz Martin avaient déjà, en pionniers, défriché les voies de l’histoire économique, beaucoup restait à faire. L’histoire urbaine, l’histoire rurale ou la démographie historique balbutient encore dans la péninsule et Bennassar arrive à point nommé comme l’un des principaux passeurs du courant des Annales.
En 1975, il publie L'Homme espagnol, rapidement traduit outre-Pyrénées. Dans la ligne ouverte par l’histoire des mentalités, alors en plein essor, il explore, grâce à des sources jusque-là négligées ‒ notariales, inquisitoriales, récits de voyageurs ‒ des thèmes aussi divers que la foi, l’amour, la mort, la fête ou l’honneur.
En 1979, L'Inquisition espagnole, xve-xixe siècle, fruit d’une enquête collective menée sous sa direction, entreprend, loin des traditionnelles représentations horrifiques, de revisiter l’histoire de l’institution. Passée la terreur antijudaïsante des débuts, conclut l’ouvrage, l’Inquisition se révèle moins sanguinaire que la justice royale de France dans sa chasse aux sorcières. Si l’institution est redoutable, c’est d’abord parce qu’elle est un efficace instrument de contrôle social qui va durablement façonner les[...]
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Écrit par
- Richard MARIN : professeur émérite d'histoire contemporaine, université de Toulouse-Jean-Jaurès
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