BERMEJO BARTOLOMÉ (1440 env.-1501)
Artiste ibérique talentueux, Bartolomé de Cárdenas, dit Bermejo (« vermillon » en castillan), est le plus septentrional des peintres méridionaux et l’un des plus surprenants et fascinants du xve siècle espagnol.
La documentation conservée couvre un peu plus de trois décennies – de 1468 à 1501 – et fait état de son activité exclusivement dans la couronne d’Aragon. Elle révèle le profil d’un artiste itinérant, au gré des opportunités de travail. À cette époque, l’Inquisition frappait le royaume d’Aragon, et Bermejo, proche par sa femme du milieu des marranes, juifs convertis, a pu tenter d’éviter les lieux où sévissaient les violences du Saint-Office. La connaissance très incomplète de sa vie laisse dans l’ombre sa jeunesse et son apprentissage de la peinture. Celui-ci pourrait s’être déroulé à Valence, cité portuaire et centre culturel important ouvert sur le monde septentrional. Certains historiens émettent l’hypothèse d’un voyage de formation dans les Pays-Bas bourguignons. Une autre éventualité serait un apprentissage en Andalousie, dès son jeune âge. En effet, l’homme serait originaire de Cordoue, ainsi que l’indique l’inscription faisant office de signature sur la partie inférieure du cadre de son œuvre la plus emblématique, la PietatDesplá, exposée au musée de la cathédrale de Barcelone : « opus Bartoholomei vermeio cordubensis ».
Son travail, sur bois et uniquement centré sur des thèmes religieux, témoigne d’une impressionnante habilité et d’une grande maîtrise de la manière flamande initiée par Jan Van Eyck, maître absolu de l’illusionnisme et de l’extrême précision. Ses œuvres, réalisées à partir de la technique à l’huile telle qu’elle s’est développée en Flandre, ont la transparence et la brillance propres aux grands maîtres septentrionaux. Son excellence picturale est forgée à partir de la représentation minutieuse des détails, du naturalisme des personnages, de la profondeur des paysages, auxquels s’ajoutent une gamme chromatique extraordinairement riche et une grande innovation iconographique.
Bermejo est mentionné pour la première fois à Valence, en 1468, alors qu’il travaille au retable deSaint Michel triomphant du mal, œuvre majeure dont le panneau central est conservé à la National Gallery de Londres. Ensuite, le peintre est situé dans le royaume d’Aragon, à Daroca en 1474, puis à Saragosse, de 1477 à 1483, où il collabore avec des artistes locaux comme Miguel Ximénez ou Martín Bernat, avec qui il réalise leretable deSaint Dominique de Silos– seul le panneau central est en totalité de sa main –,partiellement conservé au musée du Prado à Madrid. Les années suivantes sont floues. On suppose que Bermejo retourne à Valence vers 1484-1485, moment qui correspond à la datation du retable deLa Vierge de Montserrat, réalisé en collaboration avec l’atelier de la famille Osona. Il s’installe ensuite à Barcelone, où il reçoit la commande de nombreux modèles pour vitraux et où il décède en 1501.
L’œuvre de Bermejo fait référence aux artistes septentrionaux, tels que Rogier Van der Weyden, Petrus Christus ou encore Hans Memling, tout en conservant des caractéristiques locales correspondant aux exigences de ses commanditaires, comme les fonds d’or ou les formats typiques de la production ibérique (le corps du retable s’organise autour de la figure d’un saint tutélaire, peint ou sculpté, entouré de scènes de taille plus modeste avec le plus souvent une crucifixion pour couronnement, et est complété par une prédelle). D’autre part, l’œuvre de Bermejo est influencée par la production aragonaise. Un exemple en est la Consécration d’un saint évêque, conservé au musée des Beaux-Arts de Dijon ; il s’agirait du panneau central d’un retable attribué, sans certitude absolue, à Martín Bernat, avec qui il a collaboré durant plusieurs années. [...]
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Écrit par
- Elsa ESPIN : docteure en histoire de l'art, assistante de conservation, département des Peintures, Musée du Louvre
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Médias
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