MURILLO BARTOLOMÉ ESTEBAN (1618-1682)
Murillo, peintre sévillan, a joui d'une renommée internationale du début du xviiie siècle jusqu'à plus de la seconde moitié du xixe. Il fut pratiquement à cette époque l'unique maître de la peinture espagnole connu à l'étranger. Aujourd'hui, pourtant, il est tombé dans un relatif oubli.
Murillo, dont la biographie figure un an après sa mort dans le livre Teutsche Academie de Joachim von Sandrart, le Vasari allemand, fit sont entrée au xviiie siècle dans toutes les collections de l'aristocratie anglaise, et de tous les peintres espagnols ce fut celui qui tenta le plus les maréchaux de Napoléon au moment de l'invasion française en Espagne. Cela tient à ce que son art, tendre et délicat, préfigurait le rococo et un certain sens académique qui domina le goût des collectionneurs jusqu'à l'apparition de l'impressionnisme.
Un peintre sévillan
Séville – où naquit Bartolomé Esteban Murillo et où se déroula toute son activité artistique – avait été au xvie siècle un des centres les plus cosmopolites d'Europe ; ce n'était plus, vers le milieu du xviie siècle, époque de décadence économique et politique de l'empire espagnol, qu'un centre provincial sans grande vitalité. La ville, dont l'école picturale comptait des noms comme Francisco de Zurbarán, Diego Velázquez et Juan de Valdés Leal, trouva avec Murillo l'expression d'une étape plus attachée à des valeurs traditionnelles. Adaptée au goût de la clientèle des couvents et du chapitre de la cathédrale, des aristocrates et des commerçants aisés, moins puissante que celles du siècle précédent, la peinture de Murillo est liée à une société qui se replie progressivement sur elle-même. Murillo, dont la vie modeste compte peu de faits saillants à l'exception des changements de domicile et des événements familiaux, sut créer, grâce à ses qualités de très bon peintre, les archétypes inspirés de la société qui l'entourait et qui lui fournissait les images qu'il désirait. C'est pourquoi ses peintures, délicates et pleines de grâce, tendres et gaies, dévotes et optimistes n'agréèrent pas uniquement à ses contemporains mais obtinrent un succès international dans les milieux raffinés de l'Ancien Régime ; et c'est pour cela aussi que Murillo fut, avec Raphaël, le peintre dont on reproduisait industriellement le plus d'images dévotes. Son observation pleine de sympathie pour la vie populaire, son naturalisme tempéré qui embellit la réalité en la rendant optimiste et en adoucissant ses violences, sa cordialité qui humanise le divin et rend simples les scènes héroïques en les auréolant de sentimentalisme sont en accord avec le coloris éblouissant et l'exécution habile de ses œuvres. Dénué de la monumentalité, de la rudesse et de la sobriété des peintres espagnols de la première moitié du xviie siècle, Murillo donne à ses tableaux une note intimiste. Ses œuvres, dotées d'une dose juste d'idéalisme et de réalisme, de touches de grâce mondaine et du piquant suffisant pour les animer, répondent aux aspirations d'une société qui croyait avoir trouvé un équilibre entre ses différentes classes. Peintre extrêmement fécond, qui l'emporta rapidement sur Zurbarán, peintre plus sobre de la génération précédente, Murillo fut un travailleur infatigable qui exécuta avec diligence toutes les commandes qui lui étaient faites. Sa palette, dure et opaque au début, avec des restes de « ténébrisme », devient rapidement plus claire et plus lumineuse, d'un coloris riche qui ressort sur des fonds vaporeux d'atmosphère fluide. Ses tableaux de composition, doués d'un sens du rythme et de l'ordre, s'harmonisent avec la tendresse et l'idéalisme des modèles, exécutés cependant avec réalisme.
Dernier-né des quatorze[...]
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Écrit par
- Antonio BONET-CORREA : professeur d'histoire de l'art espagnol, université Complutense, Madrid
Classification
Médias
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