MURILLO BARTOLOMÉ ESTEBAN (1618-1682)
Peinture religieuse
Ses nombreuses commandes pour des églises et des couvents obligent à considérer Murillo avant tout comme un peintre religieux, bien qu'il ait pratiqué d'autres genres. Dans sa première toile connue, La Vierge du rosaire avec saint Dominique, les influences de Juan de Las Roelas et de Zurbarán sont encore très sensibles. Mais Murillo – qui ne connaissait les œuvres picturales des Italiens et des Flamands que par les gravures et les nombreuses collections qui existaient alors à Séville – assimilera rapidement les influences de Guido Reni, d'Antoine Van Dyck et d'autres artistes étrangers. Sa première commande importante fut la série des onze grandes toiles pour le cloître du couvent San Francisco de Séville. S'inscrivant dans la tradition espagnole des cycles de l'histoire des ordres religieux, il développa dans ces tableaux celle des franciscains, pour lesquels il eut toujours un faible, contrairement à Zurbarán qui peignit surtout des chartreux et des hiéronymites. Dans ce cycle, où l'on retrouve encore des couleurs sombres, apparaissent déjà les types populaires, les mendiants, les enfants malicieux et les femmes charmantes qu'il peindra tout au long de son œuvre. La célèbre Cuisine des anges du musée du Louvre faisait partie de cette série, actuellement dispersée. Les humbles ustensiles de cuisine, contrastant avec la grâce ailée des anges affairés à des tâches culinaires, sont aussi importants dans la composition que la figure du saint en extase. C'est aussi vers 1650-1655 que Murillo peint l'Immaculée Conception du musée de Séville, thème qui lui donnera l'occasion de créer plusieurs chefs-d'œuvre.
Dans la Sainte Famille au petit oiseau (musée du Prado, Madrid), où l'influence de José de Ribera est très nette, le clair-obscur perd son caractère dramatique pour céder la place à une atmosphère intimiste de douce familiarité quotidienne que l'on retrouve en d'autres œuvres, comme par exemple La Vierge à l'Enfant (palais Pitti, Florence). Avec la série pour l'église sévillane de Santa Maria la Blanca, actuellement en partie au Prado, Murillo commence à nuancer d'une lumière douce ses tableaux où les personnages apparaissent sur des fonds de pénombre qui représentent des intérieurs tranquilles ou des paysage estompés. La colossale Vision de saint Antoine, peinte en 1656 pour la cathédrale de Séville, atteint par le moyen d'une lumière dorée à une qualité vaporeuse proche de l'art de Velázquez, mais il l'abandonnera rapidement pour une peinture plus superficielle et plus brillante.
Murillo trouve sa plénitude dans les deux grands cycles que lui commandent les capucins de Séville et le très célèbre hôpital de la Caridad, où travaille aussi Valdés Leal qui y peignit ses grandes allégories de la mort et de la vanité du monde. Ces deux séries (vies de saints franciscains dans la première et thème de la charité dans la seconde) sont réalisées par touches légères d'une extrême richesse chromatique qui annonce Goya. Malgré leurs grandes dimensions, la multitude des personnages, ils sont cependant traités avec le réalisme cher à Murillo qui transpose dans les sujets bibliques les personnages typiques de Séville, les femmes en particulier.
Dans ses Immaculée, Murillo représente la Vierge presque enfant, avec son vêtement blanc et son voile bleu au milieu de nuages lumineux, et entourée d'angelots et de chérubins : l'artiste fut par excellence le peintre des personnages féminins et enfantins. L'Immaculée qui appartint au maréchal Soult puis resta de longues années au Louvre avant de passer en 1941 au Prado est sans aucun doute la plus célèbre de cette série. Jusqu'à la fin de sa carrière, le peintre demeura fidèle à ce prototype qui deviendra une image des plus conventionnelles.
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Écrit par
- Antonio BONET-CORREA : professeur d'histoire de l'art espagnol, université Complutense, Madrid
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Médias
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