BASILIQUE
Le terme basilique est ambigu : sous sa forme latine, basilica, il n'est que la translittération d'un adjectif grec qui signifie « royal » ; s'il désigne d'abord essentiellement – mais pas seulement – le hall qui, sur le forum des villes de l'Empire romain, abrite négociants, banquiers et magistrats (basilique « judiciaire »), il en vient aussi à s'appliquer très tôt à l'édifice caractéristique du culte chrétien, sans d'ailleurs perdre immédiatement sa signification antérieure. Cette stratification sémantique est révélatrice d'une histoire dont on commence seulement à comprendre les premières phases. La genèse du mot, comme celle du monument, porte en elle les germes de toute l'évolution ultérieure, tant architecturale que fonctionnelle.
La basilique de la Rome républicaine : une annexe couverte du forum
Contrairement à une idée largement répandue, la basilique la plus anciennement attestée à Rome n'est pas celle que Caton le Censeur fit construire en 184 avant J.-C. (basilica Porcia), mais celle dont parlent les comédies de Plaute dès la fin du iiie siècle. Il a été démontré que cette première basilique n'était autre que l'Atrium regium, édifice situé entre le marché aux poissons et la voie sacrée, dont la tradition attribuait la fondation à Numa, second roi de Rome. Ce bâtiment, dans sa phase du milieu de la République, est l'ancêtre de la basilica Aemilia, qui le remplace en 179 avant J.-C., après qu'il eut été détruit lors du grand incendie de 210. L'équivalence entre regius et βασιλικ́ος établit une continuité fonctionnelle et certainement aussi typologique entre les deux constructions : le mot atrium, traduction du grec αυ'λ́η, désigne un espace central entouré de portiques, dont les usages dans l'architecture publique pouvaient être divers, mais où les valeurs de représentation jouaient un rôle essentiel. Ce n'est assurément pas un hasard si la grande famille des Aemilii est à l'origine de l'aménagement définitif de l'Atrium regium en basilica : elle prétendait remonter elle-même, en vertu d'une généalogie légendaire, au roi Numa, et l'on sait d'autre part que M. Aemilius Lepidus, le censeur de 179, avait été chargé par le Sénat de la tutelle du roi d'Égypte Ptolémée V Épiphane, en 201-200 avant J.-C. Lors de sa mission à Alexandrie, il avait pu prendre la mesure de l'efficacité des grandes salles hypostyles où les monarques hellénistiques mettaient en scène leur pouvoir. La portée politique et idéologique de cette première basilique romaine, création gentilice par excellence, appelée à demeurer pour les Aemilii le signe tangible de leur richesse et de leur puissance est donc indéniable ; son nom même en porte témoignage.
Aucune trace identifiable n'a été retrouvée de ce prototype, maintes fois restauré et reconstruit jusqu'au début de l'Empire. Mais on peut admettre qu'il présentait, en raison de sa filiation directe avec l'Atrium regium, un hall central entouré d'un déambulatoire sous portique. Il est plus difficile de préciser si les basiliques d'époque républicaine à Rome offraient déjà une élévation sur deux ou plusieurs niveaux, comme celles qui leur succéderont à partir du règne d'Auguste. On discute toujours pour savoir, du reste, si le « schéma basilical », tel que Vitruve nous le décrit dans son traité (De architectura, V, 1), comportait ou non un lanterneau central, et si le déambulatoire de sa « basilique normale » possédait un étage, soit sous la forme d'une terrasse à l'air libre, soit sous la forme d'un second portique couvert.
À vrai dire, le débat s'avère de plus en plus théorique à mesure que progresse notre connaissance des centres monumentaux d'Italie et des[...]
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Écrit par
- Pierre GROS : chaire de civilisation et archéologie romaines à l'Institut universitaire de France, université de Provence-Aix-Marseille-I
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