BASQUES
Société et politique
Les nationalismes basques
En 1988, le nationalisme basque domine la Communauté autonome d'Euskadi avec 69 p. 100 des suffrages exprimés aux élections locales et 65 p. 100 aux élections législatives espagnoles. Il obtient autour de 24 p. 100 en Navarre et n'a jamais dépassé 6 p. 100 des suffrages exprimés en Pays basque français. Ces proportions montrent bien que le vote nationaliste ne correspond pas à la distribution des bascophones et que le critère fondamental semble être le niveau d'intégration de chacun des sous-ensembles basques au sein de l'État nation auquel il appartient. Ce niveau d'intégration, conditionné par l'histoire, est très élevé pour le Pays basque français, élevé en Navarre, faible en Euskadi. Ces différences apparaissent dans les résultats des partis nationaux français et espagnols par rapport aux formations basques.
C'est en Espagne que naît en 1895 le nationalisme basque. Il a été précédé par un processus de différenciation politique entre le système politique basque et le système politique espagnol dû aux guerres carlistes. Ces dernières n'ont pas été un phénomène proprement basque, mais leur issue a eu une grande influence sur les relations entre l'État espagnol et les quatre provinces basques péninsulaires.
Carlisme et nationalisme en Pays basque
Les guerres carlistes opposent, dans toute l'Espagne, les partisans d'une monarchie traditionnelle, les carlistes, à la branche régnante des Bourbons qui acceptait la monarchie constitutionnelle. Le conflit débute en 1833 à la mort du roi Ferdinand VII qui ne laisse comme descendance qu'une fille mineure, ce qui amène la régence de sa mère Marie-Christine. Cette succession est contestée par don Carlos, frère de Ferdinand VII, qui soutient que la loi salique doit s'imposer en Espagne. Sa thèse n'ayant pas été acceptée par Ferdinand VII qui prévoit la succession au profit de sa fille, don Carlos essaya de prendre le pouvoir par les armes. Deux guerres carlistes eurent lieu en Espagne de 1833 à 1839 et de 1872 à 1876. Dans les deux cas, les carlistes furent battus par les libéraux, et le conflit purement dynastique fut éclipsé par la lutte entre libéralisme et traditionalisme.
Le Pays basque fut, durant les deux guerres, majoritairement favorable aux carlistes, qui y trouvèrent leurs meilleurs soutiens et leurs troupes les plus nombreuses et les plus combatives. Lors des premières élections espagnoles au suffrage universel, en 1869, les carlistes obtinrent 15 des 17 sièges dévolus aux quatre provinces basques.
Quelle est la raison de cet attrait des Basques pour le carlisme qui fit de cette région, jusqu'en 1936 et même au-delà, son premier bastion dans la Péninsule ? Il nous semble que la première raison est l'attachement des Basques au catholicisme et la mobilisation du clergé basque nombreux et populaire. Les libéraux étaient présentés comme des athées, et la devise des carlistes « Dieu, patrie et roi » mettait au premier plan la fidélité à l'Église et au Saint-Siège. Défenseurs d'une monarchie traditionnelle, les carlistes promettent aussi de maintenir les fueros, ou libertés locales traditionnelles : absence de service militaire, privilèges fiscaux, régime douanier particulier. Cependant, ces fueros ne sont pas menacés au début des guerres carlistes et leur défense n'est pas une des causes du soulèvement. Ce sera par contre une des raisons de la seconde guerre carliste. Enfin, la géographie doit avoir joué un rôle non négligeable. La frontière française permet l'approvisionnement en armes et la sympathie de beaucoup de Basques français pour le carlisme facilite les mouvements des deux côtés des Pyrénées.
À la suite de chaque conflit, le Pays basque sera puni et verra ses fueros réduits puis définitivement supprimés. La loi du[...]
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Écrit par
- Jean HARITSCHELHAR : professeur émérite de langue et littérature basques à l'université de Bordeaux-III, directeur de l'U.A. C.N.R.S 04 1055 (études linguistiques et littéraires basques)
- Pierre LAFITTE : membre de l'Académie de la langue basque
- Pierre LETAMENDIA : maître de conférences de science politique à l'Institut d'études politiques de Bordeaux
- Maitane OSTOLAZA : doctorat en histoire et civilisation, Institut universitaire européen (Florence, Italie), maître de conférences à l'université de Paris IV-Sorbonne
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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