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BASQUES

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La langue

La situation du basque

Le basque, appelé euskara ou eskuara par ses usagers, représente un parler pyrénéique qui, avant l'occupation romaine, s'étendit du golfe de Gascogne à la Méditerranée à travers la Catalogne septentrionale, occupant au nord l'Aquitaine, au sud une bonne partie de l'Aragon et de la Vieille-Castille, sans que l'on sache si, le long du littoral atlantique, il allait loin à l'est de la Biscaye.

Depuis, ses frontières se sont fort rétrécies. Actuellement, le basque n'est plus parlé que par 51 000 habitants dans les arrondissements de Bayonne et de Mauléon, en France ; environ 700 000 personnes en usent en Guipuzcoa, Navarre et Biscaye, quelques villages en Álava et quelques milliers d'émigrés à travers le monde.

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On distingue en général huit dialectes : le biscayen, le guipuzcoan, le haut-navarrais méridional et septentrional, le bas-navarrais occidental et oriental, le labourdin et le souletin ; chacun d'eux comprend des sous-dialectes.

Uhlenbeck pensait que les antiques tribus des Pyrénées atlantiques parlaient des langues diverses qui se seraient rapprochées et apparentées par osmose au cours des siècles. Luis Michelena, au contraire, constatant que depuis le xvie siècle les dialectes ont plutôt divergé, en conclut à l'existence d'une langue primitive plus unifiée.

Structure du basque

Malgré des variantes, on constate que les dialectes basques ont la même structure. En voici les principaux traits.

Phonétique

Le vocalisme est des plus simples, avec les cinq voyelles latines a, e, i, o, u en ouverture moyenne, sans brèves ni longues. Les consonnes sont aussi celles du latin, moins qu, v, x et z, mais avec en plus des dentales mouillées, un s gras et des affriquées (t plus sifflants) ; il faut y ajouter beaucoup d'aspirées qui se sont maintenues chez les continentaux, mais perdues chez les péninsulaires.

Vocabulaire

Le basque a peu de mots monosyllabiques ; aucun ne se termine par une sonore ou une aspirée, aucun par -m ou -p ; les finales en -t ou -k sont généralement des désinences casuelles ou verbales. Le lexique n'est pas fixé comme en français : chacun fabrique nombre de mots composés, parfois à l'aide de préfixes, souvent à l'aide de suffixes, comme en turc ; on a dit avec raison que la composition en basque relève de la grammaire plus que du dictionnaire. D'où pléthore de synonymes : on a calculé que 120 000 mots basques servaient à traduire 21 000 mots français.

Grammaire

Pas de genre grammatical, sauf dans les formes verbales de tutoiement ; trois nombres, à savoir : l'indéfini, le singulier et le pluriel ; une déclinaison à douze cas ; un verbe à quatre auxiliaires et plusieurs semi-auxiliaires, présentant des formes unipersonnelles, bipersonnelles, tripersonnelles, etc.

La syntaxe est très souple, s'accommodant de la surdéclinaison, de la surconjugaison, du remplacement des relatives et conjonctions indo-européennes par la déclinaison des formes verbales ; de plus, l'emploi des phrases nominales et elliptiques est fréquent.

Problème des affinités

Le problème des origines et des affinités de la langue basque a intéressé beaucoup de linguistes. L'état actuel de la documentation ne permet pas de découvrir un apparentement génétique ou généalogique de l'eskuara. En revanche, on a relevé des coïncidences du basque avec beaucoup de langues, sans que l'on puisse déterminer chaque fois s'il s'agit de hasard, d'emprunts, de sources communes préhistoriques ou autres. C’est ainsi que dans sa thèse, puis dans un ouvrage collectif, Arnaud Etchamendy a avancé l’hypothèse d’une étroite parenté entre le basque et les langues indo-européennes.

On a cru longtemps, avec la tradition, que l' ibère était la forme ancienne du basque. Une bonne douzaine de sommités ont milité en faveur de cette thèse. Ainsi Schuchardt, le plus illustre, qui, pensant que les Ibères venaient d'Afrique septentrionale, rattachait basque et ibère au groupe chamito-sémitique. Mais L. Michelena fait remarquer que ni ibère ni basque ne connaissaient la « flexion interne » commune à l'arabe et au berbère. Et l'on sait qu'un célèbre article de Zyhlarz fit justice des comparaisons avancées par le maître de Gratz.

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D'autre part, selon A. Tovar, sur un millier et quelques centaines de mots ibères qu'on a pu lire, 51 seulement ont pu être rapprochés du basque : or 5 coïncidences paraissent certaines, 12 probables, les 34 autres douteuses, alors que, sur environ 160 mots aquitains, une bonne trentaine coïncident vraiment avec des mots basques.

Néanmoins, selon Tovar, il n'est pas absurde de se pencher sur les affinités possibles du basque avec le berbère, et des savants comme Mukarovsky poursuivent leurs recherches dans la direction des langues nord-africaines.

Une thèse entrevue par le P. Fita, étudiée par Marr et Trombetti, reprise et développée notamment par Uhlenbeck, Dumézil, Bouda et Lafon, tend à apparenter le basque au groupe des langues caucasiques et peut-être à d'autres langues antiques de l'Eurasie comme le paléo-sibérien ou le finno-ougrien. Les partisans de cette opinion pensent avoir établi des concordances non seulement lexicales, mais phonétiques et morphologiques entre l'eskuara et les parlers du Caucase. Quant aux circonstances historiques qui auraient mis en contact Asiatiques et Pyrénéens, elles sont inconnues : on suppose que des immigrants d'Asie antérieure auraient introduit dans la zone cantabrique leur langue avec l'usage du cuivre, au second millénaire avant J.-C.

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Meillet, Vogt et Michelena ont reproché à l'école caucasiste l'insuffisance de ses méthodes : elle compare, disent-ils, des mots, des morphèmes, des affixes tirés de n'importe quel dialecte, de n'importe quel siècle, selon les besoins de la thèse, au lieu de chercher des correspondances entre reconstructions du basque commun et du caucasique commun ; aussi, ajoutent-ils, cette école n'a-t-elle, jusqu'ici, fourni aucune lumière sur la formation du basque.

L'influence latino-romane sur le basque est évidente : elle a duré deux mille ans. En voyant ce que sont devenus les mots latins et romans après emprunt, on peut établir selon quelles lois s'est faite l'évolution de l'eskuara ; on s'aperçoit aussi qu'au long des siècles ses structures essentielles ne se sont pas laissé entamer.

Quant aux quelques mots celtes, germaniques ou arabes égarés dans le vocabulaire basque, ils ne semblent pas être des emprunts directs, mais plutôt venir des langues voisines.

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Il serait déplorable que cette langue vénérable, sous les coups d'une civilisation passionnée d'uniformité, fût condamnée à disparaître.

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Écrit par

  • : professeur émérite de langue et littérature basques à l'université de Bordeaux-III, directeur de l'U.A. C.N.R.S 04 1055 (études linguistiques et littéraires basques)
  • : membre de l'Académie de la langue basque
  • : maître de conférences de science politique à l'Institut d'études politiques de Bordeaux
  • : doctorat en histoire et civilisation, Institut universitaire européen (Florence, Italie), maître de conférences à l'université de Paris IV-Sorbonne
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Provinces basques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Provinces basques

Langue basque : locuteurs - crédits : Encyclopædia Universalis France

Langue basque : locuteurs

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Attentat contre Carrero Blanco, Madrid, 1973

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