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BASSE, musique

La basse fondamentale

Quand Guillaume de Machaut, dans le Credo de la Messe de Notre-Dame, fera un des premiers résonner ensemble les trois sons de l' accord parfait, les musiciens auront la révélation de la valeur en soi d'une agrégation harmonique. En soi, c'est-à-dire indépendante du jeu des parties et de leurs rencontres fortuites. C'est dans cette écriture verticale, qui vient d'ouvrir ses perspectives aux créateurs, que le rôle organique de la basse va révéler peu à peu sa puissance, jusqu'à s'affirmer comme le fondement de la syntaxe nouvelle.

Pourquoi cela ? Pourquoi la basse d'un accord a-t-elle ce pouvoir signifiant qui suffit à donner à cet accord son poids, sa couleur et sa fonction dans le déroulement du discours musical ?

Le système harmonique occidental repose sur un étagement de tierces à partir d'un son fondamental. Les deux premières tierces donnent l'accord parfait. À partir de la troisième tierce surgissent des accords dissonants de septième, puis de neuvième, et ainsi de suite.

Rameau, dans ses ouvrages théoriques sur l'harmonie, a montré que le système trouvait sa justification dans la résonance naturelle, dont l'analyse fait apparaître ces mêmes sons que nous associons dans nos accords. La théorie a prêté à certaines discussions qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ici. Mais il est en tout cas incontestable qu'il n'existe pas, dans la nature, de sons simples (ce que les électroniciens appellent des sons sinusoïdaux et qu'ils émettent artificiellement grâce à leurs appareils).

Chaque son porte sa charge plus ou moins complexe d'harmoniques, et un ut grave attaqué, par exemple, sur un piano avec assez de force permet à une oreille tant soit peu exercée de discerner plus ou moins clairement son octave, puis le sol au-dessus de l'octave, enfin le mi au-dessus du sol. Pour les autres harmoniques, on ne les entend pratiquement pas, et ceux dont je viens de parler ne sont pas réellement entendus dans un contexte harmonique qui les masque. Mais il n'en reste pas moins que tout son porte en soi, au moins à l'état latent, un ensemble d'autres sons et, au premier chef, ceux qui, au nombre de deux, formuleraient en association avec lui un accord parfait majeur. Ce n'est pas assez pour déterminer d'avance sa fonction dans un système harmonique. Mais c'est assez pour donner aux diverses fonctions que lui assigne le bon plaisir du compositeur une plus ou moins grande autorité.

Si donc nous prenons un son, quel qu'il soit et à quelque degré de l'échelle, afin de lui en superposer d'autres, ce sont les rapports de ces autres sons avec lui qui vont donner un sens à leur combinaison. Si, pour prendre l'exemple le plus simple, ce son – que nous appellerons désormais une basse – est un ut grave et que nous lui superposons un sol et un mi, nous ne faisons que formuler avec plus d'éclat le complexe qu'il possède déjà en puissance. Nous obtenons ainsi l'accord parfait majeur en position fondamentale, le plus puissamment établi sur son assise naturelle que nous fournisse le système harmonique. Sur cette basse d'ut nous pouvons étager à volonté, jusqu'au plus haut de l'échelle, tous les mi et les sol possibles et en aussi grand nombre que nous voulons, en position serrée ou écartelée, nous n'obtiendrons jamais autre chose qu'un accord parfait d'ut majeur avec toute sa plénitude et son caractère conclusif.

Mais puisque nous avons associé entre eux les trois sons do-mi-sol, c'est qu'ils font bon ménage ensemble. Qu'est-ce qui nous empêche de les associer autrement entre eux, par exemple en mettant le mi à la basse ? Rien, assurément. Nous obtenons ainsi le premier renversement de l'accord parfait d'ut majeur. Il est tout aussi consonant et tout[...]

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Écrit par

  • : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française

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Média

Boris Christoff - crédits : Erich Auerbach/ Getty Images

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