BASSE, musique
La basse chiffrée
Devant ces faits, on peut comprendre que, à un certain moment et pendant une période limitée de l'histoire, tout l'essentiel d'une œuvre musicale ait pu paraître se réduire à la ligne mélodique et à la basse, les sons situés entre ces deux extrêmes ne participant plus qu'à un remplissage harmonique étroitement déterminé par ces deux éléments. On se contente dès lors de fixer par l'écriture ces deux parties extrêmes en suggérant sommairement par des chiffres les parties intermédiaires. Ce mode de notation ne saurait s'appliquer à un état évolué du langage musical où la densité de la matière sonore et les mouvements intérieurs qui les parcourent sont un élément organique de la pensée du compositeur. Elle ne l'est pas, et pour la même raison, dans un style contrapuntique fait de lignes mélodiques enchevêtrées dont chacune a la même importance que celle de la partie supérieure.
C'est pourquoi la méthode de la basse chiffrée ne se rencontre qu'en liaison avec le style de la mélodie accompagnée dont l'apparition se situe vers le début du xviie siècle et qui se prolonge fort avant dans le xviiie.
Chiffrer une basse, cela consistait à indiquer par des chiffres les intervalles entre chaque son de cette basse et les notes constitutives de l'accord qu'il doit supporter. À charge pour les interprètes de reconstituer ces accords avec la marge d'interprétation personnelle que comportait cette pratique. Tout claveciniste, tout organiste à cette époque était entraîné à ces demi-improvisations que compliquait encore l'usage des ornements, simplement indiqués par l'auteur au moyen de signes conventionnels.
De nos jours ce travail est généralement confié à des spécialistes par les éditeurs soucieux de faire revivre cet ancien répertoire.
Le terme basse contrainte s'appliquait à un dessin de basse plus ou moins bref et identiquement répété, au-dessus duquel le compositeur variait ses harmonies et sa ligne mélodique – ce qui est le procédé de la passacaille.
La réalisation d'une basse, ou d'un continu comme on disait encore, peut être menée à bien, même en l'absence de tout chiffrage, tant sa conjonction avec la ligne mélodique contient, par soi-même, de signification harmonique, au moins dans une musique pensée avec la pureté classique.
Dès que nous abordons la musique romantique, toute notation aussi schématique devient impossible et on en voit disparaître l'usage. Cela ne change rien à la toute-puissance de la basse au sein du langage harmonique. C'est elle, bien au contraire, qui, par sa force polarisatrice, permet aux musiciens de multiplier les composantes de leurs échafaudages harmoniques. Bien des agrégations complexes de Ravel ou de Stravinski gardent toute leur signification parce que, à travers des artifices techniques propres à dissimuler leur identité, elles se réduisent finalement à un accord catalogué, dans sa position fondamentale.
Où les choses commencent à perdre de leur clarté, c'est quand, par le jeu de leurs renversements, ces agrégations en viennent à prendre pour basse les sons mêmes qui contribuaient le plus à jeter le doute sur leur fonction tonale. Il a été montré plus haut pour quelles raisons acoustiques le « champ magnétique » d'un accord parfait d'ut majeur perdait un peu de son intensité entre sa position fondamentale et sa position renversée. Il va de soi que plus cet accord contient de sons dissonants ou consonants, plus augmente le nombre de ses renversements possibles, et que plus le renversement d'un accord dissonant est éloigné de sa fondamentale, plus l'identification de ce renversement devient malaisée.
C'est alors que commence dans la musique le phénomène inverse de celui qui, cinq siècles plus tôt, avait fait de la basse le potentat du système harmonique occidental.[...]
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Écrit par
- Henry BARRAUD : compositeur de musique, ancien directeur de la musique et du programme national de la Radiodiffusion française
Classification
Média
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