BAUMGARTNER (P. Auster) Fiche de lecture
Baumgartner est un roman de l’écrivain américain Paul Auster, paru aux éditions Actes Sud dans une traduction d’Anne-Laure Tissut en 2024, quelques semaines avant le décès de l’auteur. Il s’agit d’une méditation sur le deuil mettant en scène le quotidien d’un professeur de philosophie de Princeton, Seymour Tecumseh (Sy) Baumgartner, une dizaine d’années après la mort de sa compagne, Anna Blume, sur une plage de Cape Cod. Ce roman subvertit le cadre de la fiction en revisitant les thématiques du trauma, de la solitude, de l’activité d’écriture et de la mémoire.
Les méandres de la mémoire
À l’image du renouveau éphémère inscrit dans les noms des personnages, qui soulignent l’éclosion (bloom) au jardin (Blume, « Boom Garden », Mme Flores), les réflexions quotidiennes de Baumgartner nous projettent dans le passé. Comme de nombreux personnages austériens avant lui, Sy passe son temps à ressentir le monde qui l’entoure, et à réfléchir, seul. Il tente de « comprendre pourquoi certains moments évanescents perdurent dans la mémoire tandis que d’autres, supposés plus importants, disparaissent pour toujours ». Il poursuit son travail sur les « cartes du cerveau » et leur traduction dans le « langage du corps ». Mais le « palais du souvenir », jalonné des « pièces du passé », hante cette solitude, encore habitée par la présence de son « membre fantôme », la défunte Anna, poétesse et traductrice, héroïne du Voyage d’Anna Blume et de Dans le scriptorium. Sy continue d’entendre les « sonates matinales » de sa machine à écrire résonner dans leur maison vide, au point de les interpréter lui-même depuis le bureau d’Anna, préservé en rez-de-jardin par une séparation en verre matérialisant la « zone transitoire » du deuil.
Les réminiscences du passé engendrent une exploration labyrinthique de la mémoire qui rythme le déroulement de l’action au présent. Des histoires multiples s’imbriquent, celles de Sy et sa famille, celles d’Anna et son œuvre poétique publiée de façon posthume par son mari, celles de leur rencontre et de leur passion inféconde commencée à New York en 1968. À la manière d’un roman de Virginia Woolf, l’action principale est intérieure. Elle se déploie dans la pensée et l’écriture, qui progressent de rêves en souvenirs, interrompus en introduction par la visite incongrue d’Ed Papadopoulos venu relever le compteur. Ce qui conduit Baumgartner sous terre, où il chute en descendant l’escalier de la cave.
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Écrit par
- François HUGONNIER : docteur en littérature américaine, professeur agrégé d'anglais, maître de conférences à l'université d'Angers
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