BÉATES
Le terme « béat », surtout au féminin, a pris un sens péjoratif. Au milieu du xviiie siècle, le Dictionnaire de Trévoux déclare : « Béat se dit de celui qui affecte de paraître dévot et modeste [...]. Ce mot de béat ne se dit ordinairement qu'en riant et dans le style comique et burlesque. » À cause de cela, il a été supplanté depuis longtemps par son synonyme « bienheureux ».
Mais l'appellation de béate a eu une fortune singulière dans l'est du Massif central (Velay, Vivarais et Gévaudan) au xviiie et au xixe siècle. Anne-Marie Martel (1644-1673), fille du procureur du roi au Puy-en-Velay, fonda, sur les conseils des sulpiciens qui dirigeaient le séminaire de cette ville, la congrégation de l'Instruction du Saint-Enfant-Jésus, qui comprenait deux branches, l'une de religieuses pratiquant la vie commune, l'autre de pieuses filles vivant isolément dans les hameaux les plus reculés des montagnes : on les appelait « béates ». Elles étaient logées tant bien que mal dans une maison nommée « assemblée », sans doute parce que, dans la journée, elles y réunissaient les enfants pour leur apprendre à lire et, le soir, les femmes pour prier et travailler en commun. Elles visitaient les pauvres et soignaient les malades. Elles apprenaient aux jeunes filles à faire de la dentelle, et c'est grâce à elles que la dentelle du Puy acquit sa renommée.
L'institution prospéra pendant deux siècles par tradition plutôt que par réglementation. Les sœurs de l'Instruction obtinrent la reconnaissance légale en 1843 ; leur congrégation s'adapta aux besoins nouveaux et la maison mère quitta Le Puy pour Versailles en 1952. Quant aux béates, on estimait en 1882 qu'il y en avait encore plus de mille dans le Velay et aux alentours. Les mutations de la société et la réorganisation de l'enseignement amenèrent leur disparition.
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Écrit par
- Jacques DUBOIS : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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