NEWHALL BEAUMONT (1908-1993)
L'historien de la photographie Beaumont Newhall restera comme l'un de ceux qui ont à la fois tenté de comprendre les fonctionnements et les enjeux de ce média et qui ont affirmé, en recherchant des archives, en dialoguant avec les photographes de leur temps, l'importance esthétique de ce qui n'était bien souvent considéré que comme un mode de reproduction du réel et une manière de documentation. Ayant réussi à imposer la photographie aux institutions muséales, ayant écrit, avec une infatigable curiosité, des pans entiers de l'histoire de l'image argentique, il fut toujours un tenant déterminé de la “photographie pure”.
Né à Lynn, dans le Massachusetts, Newhall fait des études d'histoire de l'art à l'université Harvard, dont il est diplômé en 1930 et où il obtient son master's degree l'année suivante. En 1932 et en 1933, il donne des conférences au Philadelphia Museum of Art, puis part pour la France. À Paris, il suit des cours à l'Institut d'art et d'archéologie. À la fin de l'année et en 1934, il est assistant au département des arts décoratifs du Metropolitan Museum of Art de New York. L'année suivante, il complète sa formation par un séjour au Courtauld Institute of Art de l'université de Londres, confirmant, à travers son goût pour la photographie, l'intérêt, essentiellement historique, qu'il porte à l'Europe.
De 1935 à 1942, il travaille dans le département de documentation et d'archives du musée d'Art moderne de New York. Alfred H. Barr, alors directeur du musée, a remarqué le talent et la curiosité de cet archiviste hors pair ; il lui confie l'organisation d'une exposition de photographies qui est présentée au musée en 1937, accompagnée d'un catalogue et d'un long essai critique intitulé Photography 1839-1937. Dès lors, Beaumont Newhall est entré en photographie et, en 1940, il est nommé conservateur de ce domaine au M.O.M.A. Il constituera, par des achats, grâce à des dons de photographes de l'époque, une remarquable collection. Ce travail est interrompu par la guerre, durant laquelle il sert comme officier dans le service de renseignements photographiques en Égypte, en Afrique du Nord et en Italie. En 1947, le photographe Edward Steichen est appelé au M.O.M.A. comme responsable pour la photographie, et Beaumont Newhall, qui n'a cessé d'augmenter et de rééditer — il le fera jusqu'en 1982 — son histoire de la photographie, quitte alors le musée.
L'année suivante, il est nommé conservateur de la George Eastman House à Rochester, devenue aujourd'hui The International Museum of Photography. Il ne quittera la ville consacrée à Kodak et à la photographie qu'en 1971, date à laquelle il rejoint l'université d'Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Durant ces années, cet homme curieux, qui écrivait également sur la cuisine, les arts plastiques et le cinéma, s'attache à constituer une grande collection, s'entoure de collaborateurs remarquables, découvre et fait découvrir des photographes dans des expositions et dans des publications qui sont des ouvrages de référence. Il trouve des photographies, il les analyse, il écrit, il enseigne, il publie, il voyage : il est infatigable. Et il s'emploie entre autres, dans un pays taraudé par sa propre histoire, à valoriser la photographie américaine, plaçant les États-Unis en situation de contemporains de la vieille Europe... Il faut évoquer le soutien apporté par Newhall à des auteurs comme Edward Weston, Ansel Adams ou Henri Cartier-Bresson, qui devinrent ses amis, si l'on veut comprendre comment se sont établies certaines grilles de lecture de l'histoire de la photographie. Défenseur acharné d'un média que ne devaient pervertir les influences d'aucun autre domaine de la création, Beaumont Newhall sera un critique virulent des photographes de la mise en scène, des plasticiens[...]
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Écrit par
- Christian CAUJOLLE : directeur artistique de l'agence et de la galerie Vu, Paris
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