BECCARIA CESARE BONESANA DE (1738-1794)
Sous le patronage de Voltaire
Le succès du traité Des délits et des peinesdissipa vite l'anonymat ; les éditions se multiplièrent. En France, l'abbé Morellet publia en janvier 1766 une traduction qui prenait d'assez larges libertés avec le texte ; les Encyclopédistes s'enthousiasmèrent ; l'avocat général Servan développa les idées de Beccaria dans son discours de rentrée – il fit scandale – devant le parlement de Grenoble en 1766, et Voltaire les patronna la même année dans un commentaire de l'ouvrage ; aux Pays-Bas, en Prusse, à la cour de Vienne et à celle de Saint-Pétersbourg et dans toutes les principautés italiennes, le mince traité était l'ouvrage du jour. La passion qui animait l'auteur, la clarté de son style, la rigueur de ses développements, la nouveauté des thèses contribuèrent à la diffusion de l'œuvre.
Les milieux traditionalistes réagirent avec violence. Le livre fut mis à l'Index, et condamné par l'Inquisition en Espagne. Le dominicain Angelo Fachinei (pour le compte, dit-on, du Conseil des Dix de la république de Venise) publia une réfutation véhémente qui reçut promptement (1765) une réponse, dont l'auteur était Pietro Verri. En France, l'éminent criminaliste Muyart de Vouglans fit suivre la nouvelle édition de son ouvrage d'une critique acerbe des idées nouvelles, jugées subversives.
Mais les libéraux eurent le dessus. Invité à Paris, Beccaria y fut reçu par les philosophes et publicistes (1766). Le gouvernement milanais – pour éviter qu'il ne se rende à Saint-Pétersbourg où l'appelait Catherine II – lui donna une chaire d'économie politique aux Écoles palatines en 1768, puis le nomma membre du Conseil suprême d'économie publique (1771), magistrat provincial pour la monnaie (1778) et enfin chef du département économique, puis du département politique (1789) du conseil du gouvernement, où il eut à élaborer et à mettre en œuvre diverses réformes. Après avoir publié en 1770 des Recherches sur la nature du style, il revint en 1791 aux questions pénales, au sein d'une Commission pour la modification du système judiciaire civil et criminel, et rédigea un rapport officiel important. Sa mort survint peu après, le 28 novembre 1794. Elle interrompit la rédaction des Éléments d'économie publique, dont une partie fut publiée en 1804. Il avait perdu sa femme en 1774 et son rapide remariage l'avait brouillé avec ses enfants. Le bruit fait en Europe par la Révolution française l'avait éclipsé, et ses compatriotes l'avaient oublié.
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Écrit par
- Georges LEVASSEUR : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
Classification
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