BÉGUINES & BÉGARDS
Origine et développement
L'afflux de mendiants dans les villes, qui draine de la campagne un surplus de main-d'œuvre, a justifié la nécessité d'institutions charitables dont les membres, se consacrant au travail manuel et aux œuvres de piété, offrent de surcroît l'exemple d'une pauvreté volontairement assumée au nom du Christ. D'abord composées de femmes, veuves et déshéritées, auxquelles se mêlent souvent quelques lettrées séduites par la vie contemplative, les communautés connaissent un essor prodigieux. À Liège, où apparaît, vers 1180-1184, le premier établissement du genre, succèdent Tirlemont (1202), Valenciennes (1212), Douai (1219), Gand (1227), Anvers (1230). En 1250, ces communautés comptent un millier d'adhérents à Paris, autant à Cambrai et deux mille à Cologne. À l'imitation des béguines, des confréries d'artisans, principalement les tailleurs, créent des maisons qui accueillent les prolétaires sans travail, mais aussi de riches bourgeois qui renoncent à leurs biens pour accorder leur vie à l'enseignement des Apôtres.
Indépendantes des ordres monastiques et placées sous la seule surveillance de l'évêque, les communautés jouissent d'une liberté d'action et de pensée qui suscite bientôt l'animosité du clergé séculier, des franciscains et des dominicains dépossédés, par le zèle des béguines, de riches donations et d'affaires rentables, en particulier l'ensevelissement des morts. En 1240, Jeanne de Flandre ordonne à ses magistrats de les défendre contre toute spoliation. Innocent IV les prend sous sa protection en 1245. Dix ans plus tard, Urbain IV recommandera encore au doyen de Louvain « de les protéger contre les téméraires qui les affligent, et de ne pas permettre qu'on les moleste par des procès ni dans leur personne ni dans leurs biens ». Cependant, les idées de Libre-Esprit allaient trouver aisément audience dans ce milieu de marginaux que ne liait aucune règle conventuelle et qu'une relative oisiveté prédisposait aux choses de l'amour, telles que le courant courtois les avait privilégiées dans le Languedoc.
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Écrit par
- Marie-Madeleine DAVY : maître de recherche au C.N.R.S.
- Raoul VANEIGEM : écrivain
Classification
Autres références
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