Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BÉGUINES & BÉGARDS

Les premières persécutions

L'Église avait reconnu dans le choix de la pauvreté volontaire un facteur de paix sociale et une arme contre l'avidité et la superbe de ses propres dignitaires. Elle nuança son approbation dès l'instant où, entraînée par la nécessité des affaires, elle en vint à encourir elle-même les reproches d'une partie des franciscains, fidèles à l'esprit de leur fondateur et à son vœu d'humilité. Chez les béguines et les bégards, comme dans la classe défavorisée, la revendication insolente d'une pauvreté, imposée de fait, allait bien au-delà des critiques adressées à l'enrichissement des milieux pontificaux. Le dépouillement de l'avoir s'identifiait peu à peu à la recherche d'une qualité de l'être, le détachement des biens garantissant une richesse spirituelle qui portait tantôt à la vision béatifique et mystique, tantôt à la prétention de s'égaler à Dieu, et donc de ne connaître, quoi qu'on fît, ni péché, ni contrainte.

Dès 1239, l'évêque d'Eichstadt menace les béguines mal famées de son diocèse des peines les plus sévères. En 1244, l'archevêque de Mayence prescrit aux communautés de ne pas accepter de nouveaux membres au-dessous de quarante ans, afin de « prévenir l'abus que les plus jeunes d'entre les béguines faisaient de leur liberté ». Après le synode de Trèves qui, en 1277, accuse les béguines et les bégards de répandre erreurs et hérésies parmi le peuple, celui de Cologne, présidé par Henri de Virnebourg, qui plus tard poursuivra Eckhart, accentue la répression et taxe d'hérésie toute forme de bégardisme. Sa loi « contre les bégards et les béguines » leur reproche de « pratiquer un nouveau genre de vie sous prétexte de pauvreté, de mendier au lieu de travailler, au grand détriment de la chrétienté, et de prêcher publiquement leurs doctrines bien qu'ils soient des laïques ». Les menaces d'excommunication et de répression qui concluent le mandement ne semblent pas avoir refréné l'expansion du mouvement. Franciscains et dominicains se plaignent de voir diminuer leurs revenus et d'être interrompus dans les églises où ils propagent les mises en garde de l'évêque. Le trouble est si grand que Henri de Virnebourg fait appel à l'un des théologiens les plus illustres du temps, Jean Duns Scot. Celui-ci entreprend d'argumenter contre les bégards, mais il meurt un an plus tard, en 1307.

Enfin, un an avant le concile de Vienne, celui de Trèves (1310) entre en guerre contre « un certain nombre de laïques appelés bégards, du nom d'une congrégation imaginaire à laquelle ils feignent d'appartenir. Ils se présentent en public vêtus de longues tuniques ornées de grands capuchons et fuient tout travail manuel. À certaines époques, ils tiennent entre eux des réunions dans lesquelles ils se donnent, en présence de personnes crédules, l'apparence de profonds interprètes des Écritures sacrées. Nous désapprouvons leur association comme étrangère à toute congrégation reconnue par l'Église, et leurs habitudes de mendicité et de vagabondage ».

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • JEAN DE BRÜNN (XIVe s.)

    • Écrit par
    • 655 mots

    Après avoir été, pendant vingt ans, membre d'une communauté de bégards à Cologne, Jean de Brünn abjure en présence de l'inquisiteur Gallus Neuhaus et rallie l'ordre des Dominicains. Sa confession (1335), obtenue sans torture, livre de précieuses indications sur la pratique...

  • JOHANNES HARTMANN (mort en 1368)

    • Écrit par
    • 330 mots

    Illustrant la tendance élitiste du Libre-Esprit, Johannes Hartmann a apporté, dans son interrogatoire, d'intéressantes précisions sur la doctrine qu'on attribuait aux bégards et qui fut condamnée en 1311 par le concile de Vienne. Selon toute vraisemblance, il périt sur le bûcher à Erfurt, en 1368....

  • LIBRE-ESPRIT MOUVEMENT DU

    • Écrit par
    • 3 154 mots
    ...Bentivenga da Gubbio, propage des idées de Libre-Esprit jusqu'à son arrestation en 1307. Si ses aveux inquiètent les milieux pontificaux, c'est surtout le succès de la doctrine parmi les bégards et les béguines, membres d'associations caritatives mi-religieuses mi-laïques, qui va justifier l'intervention...
  • MARGUERITE PORÈTE (morte en 1310)

    • Écrit par
    • 675 mots

    Brûlée le 1er juin 1310 à Paris, Marguerite Porète a laissé avec Le Miroir des simples âmes l'un des rares témoignages de première main sur les opinions qui caractérisent le mouvement du Libre-Esprit. Son enseignement, perpétué par Bloemardinne de Bruxelles (morte en 1335) et...