BEHAVIORISME
Évolution, mise en cause et affaiblissement du behaviorisme
À partir de la fin des années quarante, les diverses théories behavioristes S-R se heurtent à de croissantes difficultés internes et externes.
Les premières sont elles-mêmes de deux espèces. Tout d'abord apparaissent un certain nombre de désaccords entre des prédictions expérimentales dérivées des théories, et les résultats observés empiriquement. Contrairement à ce que l'on pourrait penser à première vue, ces désaccords ne constituent pas, en eux-mêmes, un échec dans la voie suivie ; ils correspondraient plutôt à un type de succès de la psychologie expérimentale. C'est, en effet, la première fois, dans l'histoire millénaire des idées que les hommes se forgent à propos de leur propre psychisme, qu'une conception d'ensemble est mise à mal par sa confrontation avec des faits recueillis spécialement à cette fin. Le désaccord tient ainsi à ce que les conceptions étaient assez précises pour pouvoir être infirmées, ce qui n'est pas souvent le cas pour d'autres sortes de théories. C'est pour une large part autour des notions de renforcement, de motivation et d'anticipation que se cristallisent ces difficultés. Le lieu théorique d'où elles naissent est assez facilement repérable : il se trouve dans ce qui joint S et R. En renonçant à l'introspectionnisme, le behaviorisme – et la psychologie objective en général – se prive de toute possibilité d'accès direct à la connaissance des activités internes. Peut-on pour autant nier l'existence de ces dernières ? Les exigences mêmes de la recherche expérimentale tendent progressivement à bousculer toute tentative de supprimer ce problème, ou de le contourner par la simple description des concomitances entre stimulus et réponses.
Dans le débat sur les théories de l'apprentissage, des conceptions différentes s'étaient déjà opposées sur ce point. On a évoqué plus haut l'extrémisme positiviste de Skinner. Tolman, pour sa part, avait accepté d'utiliser des « constructions conceptuelles hypothétiques » (hypothetical constructs) pour rendre compte des comportements, alors que Hull s'en tenait à des « variables intermédiaires » (intervening variables), beaucoup plus directement fixées aux variables observables. Un exemple des secondes était la variable intermédiaire « degré de faim », ou plus généralement « force du mobile » (drive), que l'on peut inférer et estimer à partir de la relation qui lie, d'une part, la durée de la privation de nourriture d'un animal, d'autre part, la vigueur d'un de ses comportements, appris au moyen d'une récompense alimentaire.
Les premiers désaccords expérimentaux avaient conduit à des remaniements théoriques locaux ; c'est ainsi qu'à la motivation par privation évoquée plus haut Hull avait adjoint une motivation différente, la « motivation incitatrice ». Un des moyens de construire celle-ci était de prendre en compte la relation qui lie la vigueur d'un comportement avec récompense à l'importance de la récompense.
Vers le début des années cinquante, ces remaniements deviennent insuffisants ; la solution cherchée aux difficultés expérimentales et théoriques donne alors naissance aux théories de la médiation. Elles consistent, pour l'essentiel, à introduire un ou plusieurs chaînons s-r, dits « médiats », entre S et R, c'est-à-dire entre le stimulus et la réponse observables ; le nouveau schéma général est ainsi du type S → r → s → R. Les entités intermédiaires r et s sont, conformément aux idées de Watson, considérées comme « implicites », c'est-à-dire non observables de façon directe. Toutefois, les développements expérimentaux ultérieurs devraient, en droit, conduire à les mettre en évidence. Vingt-cinq ans après, il[...]
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Écrit par
- Jean-François LE NY : professeur à l'université de Paris-VIII
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