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BEHAVIORISME

Un bilan du behaviorisme

Il convient de mettre à part le domaine des thérapies comportementales. Comme il concerne essentiellement les déterminants psychologiques qui touchent aux motivations, à l'affectivité, à la personnalité et, d'une manière générale, à la psychologie clinique, l'opposition à ce sujet reste vive entre, d'une part, les partisans de la psychologie objective et parfois de ses formes les plus étroites, et, d'autre part, ceux de la psychologie subjective, dont la psychanalyse demeure la doctrine de référence.

Mais, dans tous les domaines qui correspondent aux rubriques psychologiques intitulées « mémoire », « apprentissage », « perception », « langage », « activités intellectuelles », etc., il semble bien que la bataille de doctrine autour du behaviorisme soit apaisée et dépassée. Les théories d'inspiration cognitiviste paraissent s'être peu à peu imposées dans leurs formes mesurées. Certes, la théorie chomskyenne a elle-même, depuis le milieu des années soixante-dix, perdu une grande part de son crédit ; mais l'accord se fait assez largement sur l'idée que, dans les domaines précités, les activités psychologiques s'apparentent à un « traitement de l'information », qui repose sur une imbrication complexe d'activités plus élémentaires de saisie et de transformation et qui s'appuie sur les connaissances acquises par le sujet. On a visiblement mieux pris la mesure de la complexité de ces activités, ce qui contraste avec la simplification abusive qu'en proposait le behaviorisme S-R, même quand il était mis en œuvre avec une sophistication extrême.

Cette reconnaissance du rôle des activités internes, qui s'est imposée aux chercheurs des États-Unis, s'est encore davantage affirmée dans les diverses psychologies européennes, dont aucune, pratiquement, n'avait d'ailleurs adhéré au point de vue S-R strict.

Toutefois, il est frappant de constater que nulle mise en cause sérieuse de la notion de comportement ne s'est développée sur le plan méthodologique durant les dernières décennies. Bien que la linguistique générative ait largement fait appel à l'intuition du chercheur, elle a, en dépit de son antibehaviorisme militant, toujours cherché du côté psychologique un appui empirique dans la mise en œuvre de la méthode expérimentale, c'est-à-dire comportementale. Tous les chercheurs en psychologie qui étudient les activités cognitives et le langage, quelle que soit leur obédience, utilisent ainsi une méthodologie générale unique, à savoir l'observation systématique de classes de comportements et leur mise en relation avec les conditions et, le plus souvent, avec les stimulus qui en sont le contexte, l'occasion ou le déterminant. Il n'est donc pas exagéré de dire qu'une certaine sorte de « behaviorisme méthodologique » généralisé a survécu au « behaviorisme théorique », lequel est en voie de disparition. La dissociation opérée par le behaviorisme entre l'introspection et la démarche objective demeure, à cet égard, une des acquisitions définitives de la psychologie scientifique. Mais le refus de prendre en considération ce qui se passe entre le stimulus et la réponse et, au-delà, le refus de chercher à connaître les activités internes, même lorsqu'elles ne se traduisent pas par des comportements immédiats, ne correspondent plus aux exigences ni aux possibilités actuelles de la recherche.

— Jean-François LE NY

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Ivan Petrovitch Pavlov - crédits : Bettman/ Getty Images

Ivan Petrovitch Pavlov

Enregistrement d'un comportement de caractère émotionnel - crédits : Encyclopædia Universalis France

Enregistrement d'un comportement de caractère émotionnel

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