BÉJART MAURICE JEAN BERGER dit MAURICE (1928-2007)
En rendant la danse accessible à un large public par des représentations dans des lieux non conventionnels (palais des sports, stades...), le Français Maurice Béjart a été l'un des danseurs et, surtout, chorégraphes les plus populaires dans le monde. Paradoxalement, il est resté un homme secret attiré par des thèmes proches de la torture mentale comme l'attestent certaines de ces œuvres dont Sonate à trois, créée en 1957 d'après l'infernal Huis Clos de Jean-Paul Sartre. Le mythe Béjart a ses parts d'ombre.
Fils du philosophe français Gaston Berger, Maurice Berger, alias Maurice Béjart, naît à Marseille le 1er janvier 1927. D'abord étudiant en lettres, il choisit ensuite le théâtre avant de se consacrer corps et âme à la danse. Un choix radical, avec les changements de vie qui en découlent. C'est en hommage à la famille Béjart, celle de Molière, qu'il décide de prendre ce pseudonyme lorsqu'il s'engage à devenir danseur. Engagé à l'Opéra de Marseille, Béjart quitte sa ville natale pour Paris, en 1946, afin de parfaire son apprentissage de la danse. Il étudie au célèbre studio Wacker, notamment auprès de Madame Rousanne, de Léo Staats ou Ljoubov Egorova, ancienne danseuse des Ballets russes de Diaghilev. Puis il part suivre l'enseignement de Vera Volkova à Londres. La danse, qui lui avait été conseillée par un médecin, est devenue plus qu'une passion, une vocation. Pourtant, les débuts sont difficiles, mais il travaille d'arrache-pied pour se perfectionner.
L'appel du large
Maurice Béjart s'est constamment déplacé, comme s'il cherchait ses repères. Ainsi, en 1950, il est engagé à Stockholm dans la compagnie de Birgit Cullberg. C'est là qu'il monte sa première chorégraphie, L'Oiseau de feu (1950-1951). La partition d'Igor Stravinski avait été créée en 1910 par Michel Fokine pour les Ballets russes de Serge de Diaghilev. Sur la suite pour orchestre, Béjart réglera, en 1970, une nouvelle version pour l'Opéra de Paris. Fougue juvénile, romantisme révolutionnaire sont les ingrédients tant de la partition que du ballet. Dans cette version, Béjart bouleversait aussi les données en confiant le rôle de l'oiseau à un homme, Michaël Denard, et cela pour une mort encore plus rédemptrice, sacrificielle et envoûtante. Rien d'étonnant à cela, si l'on sait que Maurice Béjart exprime sa fascination pour la mort et la survie du phénix. Preuve en est, sa pièce phare, Symphonie pour un homme seul (sur une musique concrète de Pierre Schaeffer et Pierre Henry), en 1955. Cette œuvre est autant inspirée de la technique de Martha Graham que du jazz, du néo-classicisme et de l'exotisme. Béjart a ainsi créé, tout au long de sa carrière, un langage plurivoque mêlant les inspirations orageuses de l'âme, ses tourments les plus intimes, à une vivacité qui provoque l'engouement des foules. Son style est à la fois nourri de la base classique et profondément novateur en ceci qu'il insuffle une portée théâtrale et athlétique à la danse, avec un goût prononcé pour la vivacité des danses du monde, et paradoxalement aussi pour la mort, à travers une gestuelle qui pousse les corps à l'épuisement.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bérengère ALFORT : D.E.A. de philosophie, professeur et journaliste
- Marie-Françoise CHRISTOUT : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique
Classification
Autres références
-
SYMPHONIE POUR UN HOMME SEUL (M. Béjart)
- Écrit par Jean-Claude DIÉNIS
- 148 mots
Lorsqu'il crée, le 26 juillet 1955, Symphonie pour un homme seul, Maurice Béjart, chorégraphe né à Marseille en 1927, n'est pas encore célèbre. Pourtant, sa pièce fera scandale au théâtre de l'Étoile, à Paris. Le sujet certes est dans l'air du temps, marqué par l'existentialisme et l'expression...
-
BALLET
- Écrit par Bernadette BONIS et Pierre LARTIGUE
- 12 613 mots
- 21 médias
Maurice Béjart, ouvert à toutes les cultures, bouscule le ballet par le choix des musiques et des sujets. Symphonie pour un homme seul (1955, musique Pierre Schaeffer et Pierre Henry) lui permet de construire un style personnel. Au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, où il fonde bientôt les Ballets... -
BORTOLUZZI PAOLO (1938-1993)
- Écrit par Jean-Claude DIÉNIS
- 910 mots
Décédé à Bruxelles des suites d'une congestion cérébrale dans la nuit du 15 au 16 octobre, le danseur italien Paolo Bortoluzzi avait la faculté rare de pouvoir jouer sur “l'immense octave de la création”, pour rappeler la formule de Paul Claudel. L'un des plus brillants artistes-interprètes de sa...
-
CULLBERG BIRGIT RAGNHILD (1908-1999)
- Écrit par Jean-Claude DIÉNIS
- 920 mots
De Martha Graham à Pina Bausch, d'Isadora Duncan à Trisha Brown, nombreuses sont les femmes chorégraphes qui ont enrichi le langage gestuel, fouillé les thèmes jusqu'aux découvertes de l'introspection et de la psychanalyse, scruté les horizons nouveaux. Parmi elles, la Suédoise Birgit Ragnhild...
-
DANSE
- Écrit par Marie-Françoise CHRISTOUT et Serge JOUHET
- 5 050 mots
- 17 médias
Maurice Béjart réunit dans un espace, que l'on imagine facilement circulaire et en plein air, un public qu'il invite à célébrer comme un rite le culte religieux, qui n'a d'autre objet que la danse même. Aussi sa chorégraphie du Sacre du printemps substitue-t-elle au caractère... - Afficher les 12 références