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BEL CANTO

Le déclin

Avec le romantisme naissant, cette éthique est mise à mal par l'évolution du goût, le rejet des sujets mythologiques et, d'une manière générale, de l'idéalisation. La poétique des Schiller, Hugo ou Dumas appelle un nouveau style de chant accordé à une dramaturgie soucieuse de vérité plus immédiate, de passions exacerbées. Une déclamation davantage calquée sur la métrique du langage parlé, un accent plus mordant et – fait nouveau – un souci de vraisemblance dans la représentation des personnages d'opéra sont autant d'éléments incompatibles avec l'esthétique belcantiste. Le contralto travesti cède la place au ténor, l'ambiguïté sexuelle est abolie et avec elle la typologie vocale qui prévalait jusqu'alors. Les premiers romantiques, de Meyerbeer et Mercadante à Donizetti et Bellini, ont beau se montrer attachés à certaines formules belcantistes, principalement dans l'écriture des rôles féminins, la nouvelle donne dramatique contredit le principe d'idéalisation et les bases mêmes de l'équilibre vocal qui en était le garant. L'asymétrie de la phrase déclamée, la répartition inégale des accents et respirations, l'élévation des tessitures, le doublement de la ligne vocale par l'orchestre, l'abandon de la colorature dans les emplois masculins, entraînent un reflux de la vocalité ancienne et, partant, une raréfaction des interprètes capables de la servir.

Rossini prend conscience du hiatus se creusant entre un langage vocal fleuri – dont il avait commencé de prendre congé dès sa Semiramide de 1823 – et les influx romantiques dont son orchestre est animé. Le miracle de La Donna del lago (1819), où virtuosité transcendante et climat romantique s'alliaient superbement, fera bientôt figure de divine exception. Le réformisme du musicien n'est pas en cause. Ce dernier est en effet le contraire d'un conservateur, lui qui a opéré une totale refonte de l'opéra en métamorphosant le récitatif, en développant les scènes d'ensemble au détriment du découpage en airs séparés et donné à son orchestre comme à ses chœurs une ampleur nouvelle. L'abandon du lieto fine (dénouement heureux) au profit de finales tragiques dans ses opéras napolitains devait même lui attirer les foudres du public et provoquer son départ de Naples pour Venise en 1823. La carrière parisienne de Rossini conduira ensuite le compositeur, d'une manière irréversible, vers une forme renouvelée de l'expression lyrique qui atteindra son point de non-retour avec Guillaume Tell (1829), œuvre génialement novatrice. Une ère nouvelle s'ouvre alors, qu'un Meyerbeer saura incarner avec talent et opportunisme, mais dont les préceptes artistiques n'ont plus rien de commun avec le bel canto.

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Écrit par

  • : critique musical, agrégé de lettres modernes

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Gaetano Donizetti

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