TARR BÉLA (1955- )
Le cinéaste et scénariste hongrois Béla Tarr est né à Pécs (Hongrie) le 21 juillet 1955. Ses parents travaillaient dans un théâtre. Le jeune homme s'intéresse au cinéma dès l'âge de seize ans et réalise des films amateurs, centrés sur des personnes défavorisées en milieu urbain. Ces films attirent l'attention des Studios Béla Balázs, qui ont soutenu le travail des cinéastes les plus exigeants du pays (István Szabó, Sándor Sára, Judit Elek). Ils financent son premier long-métrage, Le Nid familial (1977). Béla Tarr fait ensuite ses études à l'École supérieure du théâtre et du cinéma de Budapest, dont il sort diplômé en 1981. Il donne des cours à la Filmakademie de Berlin depuis 1990.
Béla Tarr se veut, d'abord, un cinéaste profondément hongrois. Il a assimilé l'esthétique des films de Miklos Jancsó et leurs longs plans-séquences élégiaques. Mais il est également un cinéaste artiste et démiurge qui façonne et construit un style et une vision du monde à l'instar d'un Antonioni, d'un Godard ou d'un Tarkovski.
Deux trilogies
On partage sa courte et dense filmographie (dix films de 1977 à 2011) en deux trilogies (une sociale et une métaphysique) et quelques opus de transition ou de « finition ».
Dans la première (Le Nid familial ; L'Outsider, 1979-1980 ; Rapports préfabriqués, 1982), Béla Tarr est un témoin lucide de la fin du communisme en Hongrie. Ses films ne sont pas contestataires, mais montrent, à l'aide d'une caméra fureteuse, un peu à la Cassavetes, des situations de mal-vivre au quotidien. Tous les deux en noir et blanc, Le Nid familial et Rapports préfabriqués révèlent, au fil de conversations débridées, la lente désagrégation de couples.
L'Outsider, tourné en couleurs, anticipe un peu sur les films ultérieurs du cinéaste, plus systématiquement « flâneurs ». Pas de cellule familiale, ici. Pris entre deux compagnes, le jeune marginal András est le premier représentant des ces personnages en errance qui, dans la seconde trilogie, vont peupler les films de Tarr : Karrer (Damnation, 1987), Irimiás (Tango de Satan, 1990-1994) ou Janós (Les Harmonies Werckmeister, 2000). Mais le film colle encore au réel : András perd son travail d'aide-soignant et souhaite devenir musicien. La caméra sort, pour la première fois, hors de la ville.
En 1982, Béla Tarr réalise une version de Macbeth en deux plans-séquences pour la télévision, découvre le cinéma de R. W. Fassbinder et tourne, sous son influence, Almanach d'automne (1984), son dernier film en couleurs. Dans une riche demeure décadente, la vieille Hédi domine un petit monde de quatre personnes, dont son fils et son infirmière ; chacun des convives tente, à tour de rôle, de profiter des bienfaits de l'hôtesse. Toute référence à la Hongrie socialiste a disparu alors que les rapports familiaux sont appréhendés de manière très stylisée.
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Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Média