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CROCE BENEDETTO (1866-1952)

Après Francesco De Sanctis, Benedetto Croce a été le maître le plus influent et le plus suivi de la critique littéraire italienne, dont une large part porte encore son empreinte. Philosophe de tendance hégélienne, historien des idées, la doctrine qu'il a formulée en matière d'esthétique littéraire pose tout ensemble la spécificité de la création, qui est toujours un acte lyrique, et sa force d'intégration, qui absorbe et valorise, dans cet acte même, biographie, histoire et idéologie, sans que celles-ci soient jamais le motif ou l'objet suffisants de l'œuvre poétique.

Le philosophe

Né à Pescasseroli (Abruzzes), Benedetto Croce appartient à une famille de grands propriétaires terriens et de magistrats, et son enfance se passe dans un milieu austère et laborieux. Il est attiré très jeune par des recherches de caractère érudit, portant principalement sur l'Italie méridionale, et ses premières publications sont des recueils de variétés historiques et folkloriques, des biographies, des études sur l'importance de l'occupation espagnole. Ces travaux l'absorbent de 1886 à 1892, et il ne les abandonnera jamais totalement. Ils lui fourniront la documentation de ses ouvrages historiques sur l'Italie méridionale, mais ne satisfont qu'en partie son besoin d'une certitude à la fois concrète et universelle.

Croce est ainsi amené à réfléchir sur la signification de l'histoire ; en 1893, il publie La Storia ridotta sotto il concetto generale dell'arte, où l'on trouve le double refus qui marque toute sa pensée : celui de l'idéalisme hégélien, très vivant à Naples, et qui aboutit à l'apriorisme historique ; celui du positivisme, encore vigoureux mais déjà en crise. Il croit trouver une voie satisfaisante dans le marxisme, pour lequel il s'enthousiasme (1895-1896), mais qu'il abandonne rapidement, lui reprochant son instrumentalisme.

C'est surtout contre l'esthétique positiviste qu'il écrit son Estetica (Esthétique, 1902), où il affirme, à la suite de De Sanctis, le caractère non intellectuel de l'art, qui est unité intuitive de la forme et du contenu, activité créatrice indépendante de l'intellect et de la volonté, sans être pour autant autonome. Croce considère toute œuvre poétique comme un langage nouveau, ce qui l'amène à insister sur le caractère individuel du langage, opposé au caractère social de la langue. L'Esthétique lui pose de nouveaux problèmes, notamment en ce qui concerne les rapports de l'activité artistique avec les autres activités humaines. Il décide donc d'illustrer son esthétique par des essais de critique littéraire, et de compléter sa philosophie de l'esprit par une logique et une éthique.

Pour sa Logica come scienza del concetto puro (1909), Croce se met à lire Hegel, qu'il ne connaissait qu'à travers Marx et Engels. Il refuse la critique du principe de non-contradiction et oppose à la dialectique des contraires celle des distincts. Aux trois catégories du beau, du vrai et du bien, il ajoute celle de l'utile, ou économique, qu'il a conservée du marxisme. Le réel se résout tout entier dans les quatre catégories, dont les deux premières sont de caractère théorique (connaissance esthétique de l'individuel et connaissance philosophico-scientifique de l'universel) et les deux autres de caractère pratique (volition utilitaire de l'individuel, volition éthique de l'universel).

La nature, chaos de la sensation et du sentiment brut, est la matière de ces formes, et Croce l'intègre à l'esprit pour éviter le dualisme, qui introduirait la transcendance. Dans le même but, les quatre catégories ne sont pas hiérarchisées, mais s'impliquent dans un mouvement régressif et circulaire, si bien que Croce affirme à la fois l'unité de l'esprit et son caractère dynamique.[...]

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