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ANDERSON BENEDICT (1936-2015)

L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.

Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au Bureau des douanes maritimes de l’Empire, un organisme britannique chargé de superviser le commerce avec la Chine, mais responsable également d’autres tâches sur le territoire chinois, telle la lutte contre la contrebande. Son héritage familial mêle des origines nationales diverses. Son nom lui vient de sa mère, qui est anglaise, et sa citoyenneté de son père, dont la famille a participé activement aux mouvements nationalistes irlandais.

Après être revenue en Irlande et y avoir passé quelques années, la famille Anderson émigre aux États-Unis en 1941, et Benedict suit sa scolarité en Californie. Diplômé de l’université de Cambridge (Bachelor of arts de lettres classiques) en 1957, il obtient en 1967 un doctorat (Ph.D.) en science politique de l’université Cornell. Ses premiers travaux, dont sa thèse de doctorat, portent sur la politique indonésienne et, plus largement, sur l’Asie du Sud-Est. Sa critique du régime de Suharto lui vaut une interdiction d’entrée en Indonésie jusqu’à la chute du dictateur en 1998. De 1965 à sa retraite, en 2002, Benedict Anderson enseigne au département de science politique de l’université Cornell.

La publication, en 1983, d’ImaginedCommunities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism (traduit en français en 1996 : L’Imaginaire national : réflexions sur lorigine et lessor du nationalisme) établit la réputation d’Anderson à la pointe des recherches sur le nationalisme. Dans cet ouvrage, il théorise les conditions qui ont favorisé le développement du nationalisme aux xviiie et xixe siècles, en particulier aux Amériques, et énonce sa définition de la nation comme une « communauté imaginée ». Selon lui, la nation est imaginée car elle suscite un sentiment de communion ou de « camaraderie horizontale » entre des individus qui souvent ne se connaissent pas et ne se sont même jamais rencontrés. En dépit de leurs différences, ils imaginent qu’ils appartiennent à une même collectivité, à laquelle ils attribuent une histoire, des croyances, des attitudes et des traits communs. En outre, Anderson définit cette communauté imaginée comme limitée et souveraine : limitée, parce que même les plus vastes nations reconnaissent qu’elles ont des frontières et qu’il existe d’autres nations au-delà ; souveraine, parce que la nation a remplacé les liens de parenté traditionnels en tant que fondement de l’État. Le fait que la nation soit une construction imaginaire ne signifie pas pour autant que son efficacité politique soit illusoire. Au contraire, cette communauté imaginée crée une camaraderie profonde et horizontale, pour laquelle d’innombrables personnes ont sacrifié délibérément leur vie.

Cet ouvrage fondateur allait à l’encontre de la recherche historiographique de l’époque en plaçant les Amériques, plutôt que l’Europe, au centre de son analyse. Le nationalisme se serait développé aux xviiie et xixe siècles aux États-Unis, au Brésil et dans les anciennes colonies espagnoles beaucoup plus tôt que dans la plus grande partie de l’Europe. Anderson explique cela par la conjonction du capitalisme et d’une technique de communication, l’imprimerie. Selon lui, le développement d’une presse utilisant la langue vernaculaire posa les bases de la nation, car elle permettait à ses lecteurs d’imaginer qu’ils partageaient une expérience collective de l’actualité, indépendamment de la distance géographique et des différences sociales qui les séparaient.

Le travail d’Anderson met également en valeur le rôle des « pionniers créoles », tels que Benjamin Franklin[...]

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  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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