MOREL BENEDICT AUGUSTIN (1809-1873)
Benedict Augustin Morel est un psychiatre français né à Vienne, en Autriche, le 2 décembre 1809. Son père était fourrier de l’armée de Napoléon Ier, sa mère de petite noblesse autrichienne. Après des études classiques et religieuses à Luxembourg, Morel commence sa médecine à Paris, où il a comme condisciples Claude Bernard et Ernest Charles Lasègue. Il est docteur en médecine en 1839. Il apprend la psychiatrie avec Jean-Pierre Falret et Guillaume Ferrus. Il est nommé médecin-chef de l'asile de Maréville près de Nancy en 1848, puis de l'asile installé dans le manoir de Saint-Yon près de Rouen en 1856.
Benedict Morel s’est rendu célèbre par son Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l'espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives, paru en 1857, dans lequel il privilégie l'origine héréditaire des maladies mentales. Il s'inspire de la philosophie conservatrice de Louis-Ambroise de Bonald, qui croyait à la dégénérescence, sous l'effet des vices et des révoltes, d'une race humaine modelée à l'origine sur l'exemple divin. Il se situe donc dans une mouvance transformiste très différente de l’évolutionnisme de Darwin – L'Origine des espèces de Darwin ne paraîtra qu'en 1859. Cette notion de dégénérescence héréditaire est encore plus systématisée dans son Traité des maladies mentales (1860), où les « aliénations et folies héréditaires » occupent une place prépondérante.
C'est dans le contexte de la « troisième classe », celle des « folies héréditaires à existence intellectuelle limitée, à tendance précoce et innée pour le mal », qu'il décrit un cas de « funeste terminaison de la folie héréditaire. Une immobilisation soudaine de toutes les facultés, une démence précoce indiquent que le jeune sujet a atteint le terme de la vie intellectuelle dont il peut disposer ». On connaît le succès de l’expression « démence précoce », utilisée plus tard par Emil Kraepelin pour nommer la pathologie qui, avec Eugen Bleuler, deviendra la schizophrénie. Il ne semble pas que Morel, malgré la précision clinique de son observation qui décrit effectivement un cas d'hébéphrénie, ait eu conscience de son importance dans l'histoire de la nosographie psychiatrique.
Si Morel est bien connu dans l’histoire de la psychiatrie pour ses contributions à cette nosographie des maladies mentales alors balbutiante, son influence s’exerce bien au-delà de ce domaine de la médecine. Il se situe dans un mouvement apparu au xviiie siècle et pour lequel le milieu façonne l’homme et contribue à son hérédité. La notion d’acclimatation des êtres vivants aux milieux où ils vivent est un thème récurrent du xixe siècle. La théorie de la dégénérescence de Morel devient un outil interprétatif commode pour expliquer « scientifiquement » des problèmes sociaux. Ainsi, les mauvaises mœurs, l’alcoolisme, les maladies vénériennes (l’hérédosyphilis)… façonneraient le sujet, qui transmettrait ensuite ses tares acquises à sa descendance. Ce type de raisonnement est par exemple exploité par le criminologue italien Cesare Lombroso pour définir l’origine de la criminalité. La dégénérescence est également omniprésente dans l’histoire des Rougon-Macquart d’Émile Zola – suite d’ouvrages sous-titrés « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire ». Le dernier titre, Le Docteur Pascal, publié en 1890, explicite les causes multiples d’une sorte de généalogie de la dégénérescence de cette famille, tant dans de nombreux passages du texte lui-même que dans un ultime arbre généalogique. Cette hérédité imaginaire, liée aux travaux de Morel, mais aussi de Claude Bernard, persistera dans la culture française, bien après la consécration de la notion de sélection darwinienne[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jacques POSTEL : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
-
TROUBLES ANXIEUX
- Écrit par Dominique SERVANT
- 6 544 mots
...qui n’ont rien à voir avec la folie : ils raisonnent bien et sont conscients de leur problème, mais ne peuvent se détacher de leur anxiété. Le Français Bénédict Morel (1809-1873) – premier psychiatre à avoir identifié, sans vraiment le nommer, un état anxieux – parle de délire émotif. D’autres médecins...