BÉNÉDICTINS
Saint Benoît et la diffusion de sa règle
À côté de dispositions originales qui devinrent fondamentales, la règle de saint Benoît comporte des éléments empruntés à l'expérience de trois siècles de monachisme chrétien. Un seul auteur y est nommé, saint Basile ; mais on y trouve de très nombreuses citations de l'Écriture (surtout Évangile, Épîtres de saint Paul et Psaumes), des Institutions et des Conférences de Cassien, des anciennes règles (Pacôme, Césaire, Macaire, Augustin...), des Pères de l'Église (Augustin, Ambroise et Jérôme), enfin des récits et des sentences des pères du désert et des auteurs monastiques.
Le plus récent des textes étant la règle des vierges de Césaire d'Arles, rédigée vers 534, on en a conclu que saint Benoît composa sa règle à l'époque où il résidait au Mont-Cassin, entre 534 et 547, date de sa mort.
La vie de Benoît n'est connue que par le récit qu'en a donné Grégoire le Grand (590-604) au IIe livre de ses Dialogues. Son but étant de montrer qu'il y avait encore des saints qui accomplissaient des miracles, ce pape ne rapporte de saint Benoît que des « merveilles » ; on peut cependant par son récit fixer les jalons de sa vie.
Benoît naît vers 480 dans la province de Nursie, pays de montagnes voisin de Rome. Venu dans la capitale pour étudier, il la quitte bientôt pour vivre en ascète d'abord à Enfide, près de Tivoli, puis, un miracle ayant attiré l'attention sur lui, à Subiaco, où il vit seul, caché dans la montagne. Élu abbé d'un monastère voisin, il échappe par miracle à une tentative d'empoisonnement. Il réunit des disciples, qu'il répartit en douze petits monastères. La jalousie d'un prêtre l'oblige à quitter Subiaco. Vers 529, il se fixe au Mont-Cassin ; il y fonde un grand monastère, écrit sa règle et meurt, probablement le 21 mars 547, peu après avoir reçu et sermonné le roi des Goths, Totila.
D'après Grégoire le Grand, saint Benoît aurait fondé, en plus des monastères de Subiaco et du Mont-Cassin, celui de Terracine où il ne résida jamais. Ni dans sa Vie, si dans sa Règle, il n'est question d'un ordre ou d'une union quelconque de monastères entre eux.
On n'ignorait pas que la règle de saint Benoît était apparue en même temps qu'une foule de règles monastiques, qu'elle dépendait de règles plus anciennes, qu'elle avait servi de modèle à d'autres avant de s'imposer comme l'unique. On citait volontiers comme une paraphrase de la règle de saint Benoît la règle du Maître, règle anonyme connue sous ce vocable parce que chaque chapitre commence par une interrogation de disciples à laquelle le Maître répond par de longs développements. Mais, en 1938, un moine de Solesmes, dom Genestout, bouleversa les idées reçues en montrant que la règle du Maître était antérieure à la règle de saint Benoît ; celle-ci n'était donc pas une composition originale mais un résumé, progressivement complété. Bien que cette thèse ait été violemment combattue, les spécialistes s'accordent à admettre l'antériorité de la règle du Maître, tout en remarquant qu'aucun des manuscrits conservés n'offre exactement le texte utilisé par l'auteur de la règle de saint Benoît. La règle du Maître aurait été composée au début du vie siècle, en Italie du Nord ou en Provence ; le débat reste ouvert. La règle du Maître nous est parvenue sous forme de deux manuscrits remontant au début du viie siècle ou à la fin du vie, tandis que le plus ancien manuscrit de la règle de saint Benoît a un siècle de moins, ayant été écrit vers 700 en Angleterre. L'auteur de la règle n'y est pas nommé, et comme le Mont-Cassin fut ruiné en 577 par les Lombards, ce qui brisa la tradition locale, certains critiques estiment plus sûre l'attribution[...]
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Écrit par
- Jacques DUBOIS : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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