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BÉNÉDICTINS

La législation bénédictine

Benoît d'Aniane marque une étape décisive dans l'évolution de la législation bénédictine. Nul n'osera plus remanier la règle de saint Benoît ou la fondre avec d'autres. Elle sera recopiée et diffusée intégralement, y compris les passages mentionnant des observances tombées en désuétude ; elle sera méditée et commentée par des générations de moines et servira à la formation des novices. Mais pour l'adapter aux nécessités des temps, on fera suivre la règle de textes législatifs, qui portent le nom de coutumes, constitutions, ou déclarations, selon leur nature particulière. Benoît d'Aniane n'a certes pas inventé les coutumes, puisque la règle de saint Benoît elle-même y fait allusion, mais il a été le premier à les codifier, dans le capitulaire de 817 ; la législation bénédictine jusqu'à nos jours en dérive, sans solution de continuité, malgré les modifications subies au cours des siècles.

À propos de Benoît d'Aniane, on parle de « réforme ». L'emploi de ce terme entraîne une interprétation en partie inexacte. Dans un monde aussi traditionnel que le monde monastique, tout changement animé par l'idéal de mieux faire doit être considéré comme un retour aux sources ; ses promoteurs veulent donc une « réforme » au sens étymologique de « remise en forme ». Dans quelle mesure est-il possible de revenir à une observance introduite des siècles plus tôt ? Les anciens réformateurs ne s'étant jamais posé cette question, il est inutile d'y répondre, mais nécessaire de la poser pour apprécier l'histoire. On note une tendance à accabler ceux qui ont vécu « avant la réforme », toutes les réformes étant présentées comme de vertueuses réactions contre un déplorable relâchement de la vie monastique. Or les réformes ayant été très nombreuses, on s'oblige ainsi à conclure que rares furent celles dont la réussite s'étendit sur un siècle. De tels jugements ne s'appuient le plus souvent que sur des faits isolés, d'inévitables défaillances individuelles ; la sévérité des jugements se fonde également sur des critères anachroniques ou tendancieux : le nombre des moines dans une maison, leur emploi du temps, leur position par rapport à l'enseignement, la richesse considérée comme un facteur de relâchement quand elle existe et comme nécessaire quand elle manque. L'abondance des fondations nouvelles est toujours interprétée comme une preuve de succès, ce qui entraîne en contrepartie que leur ralentissement soit interprété comme la marque d'un relâchement ; or, bien au contraire, la prolifération irraisonnée des monastères constitue un mal, et à une période d'extension doit succéder une période de consolidation.

L'institution monastique peut en effet revêtir les formes les plus diverses selon les temps, les lieux et les personnes ; l'apparition de familles nouvelles n'entraîne pas la condamnation des ordres antérieurs, même si ces derniers ne savent pas s'adapter à leur époque. Au reste, des monastères qui paraissaient moribonds peuvent retrouver vigueur et durer des siècles, et des fondations plus récentes disparaître sans laisser de traces. Il est des cas où une disparition en pleine gloire aurait sans doute mieux valu qu'une longue survie. Le monachisme étant à la fois institutionnel et prophétique, l'harmonie entre ces deux tendances n'est pas toujours facile.

À la différence des autres ordres religieux, les ordres monastiques n'ont pas été institués pour remplir dans l'Église et la société une mission déterminée. Le résultat paradoxal est que les moines ont eu, dans tous les domaines (architecture, musique, recherches historiques, intellectuelles, spirituelles et scientifiques), des activités tellement variées qu'il est impossible d'en donner[...]

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Écrit par

  • : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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