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PÉREZ GALDÓS BENITO (1843-1920)

Si la valeur et la responsabilité intellectuelle de l'écrivain se mesurent à sa capacité d'assumer son époque, peu d'hommes ont réalisé cet idéal si apprécié aujourd'hui autant que le romancier espagnol Pérez Galdós. Il a le don de la transparence : en ce sens, on peut dire qu'il fut un moment de la conscience espagnole capable d'opposer, par le seul effet de sa propre lucidité, une sorte de miroir critique à la réalité sociale d'alors. Mais, s'il est certain que Galdós se meut en une société historiquement fermée, sa propre conscience « recréatrice » ou sa capacité de pénétration est, elle-même, une réponse. Ainsi, par la médiation de sa vision éclairée, sa production littéraire surgit comme le reflet vivant d'une conception de l'art du roman, pour laquelle le maintien de l'harmonie la plus juste « entre l'exactitude et la beauté de la représentation », selon l'affirmation de Galdós lui-même, est une valeur primordiale.

L'histoire comme fondement

Par une projection naturelle de son talent de narrateur, Benito Pérez Galdós (né aux Canaries, à Las Palmas, et mort à Madrid) estimait que l'histoire est le fondement de tout art du roman. Ce qui importe, pour un écrivain, ce sont les histoires de l'histoire. Il soulignait le fait que l'histoire n'obéit pas à un ordre de valeurs hétérogènes, mais qu'elle est une vie lente et presque toujours douloureuse de la société, une vie en laquelle tous et chacun agissent. Pour Galdós, l'histoire n'est donc pas seulement une suite passée de faits liés à un ordre institutionnel ou au devenir politique de l'État ; l'histoire, comme totalité du devenir humain, détermine la marche existentielle des hommes, par-delà les événements de la vie quotidienne, en ce qu'ils font et en ce qu'ils sont.

C'est ainsi que les premiers romans de Los Episodios nacionales (1873-1920) manifestent un fond épique, sur lequel les personnages réels ou fictifs se détachent avec plus ou moins de force selon la tonalité des événements. C'est que Galdós s'applique, dès le début, à ordonner l'ensemble des actions dans une perspective collective. De là vient que ce qui prédomine, dans cette première série d'œuvres, c'est la mise en valeur de l'héroïsme. Cette conception particulière de l'histoire, fondement de l'évidence romanesque et de la vérité dernière du roman comme transposition de la vie des diverses époques, n'était pas le fait d'un romantique attardé – qui perce encore dans ces deux romans, antérieurs aux premiers Épisodes, La Fontana de oro (La Fontaine d'or, 1870) et El Audaz (L'Audace) –, mais déjà précurseur des conceptions modernes, il voyait dans l'histoire l'intime cohésion de l'universel avec le particulier, de l'abstrait et du concret, c'est-à-dire cette réalité de la vie quotidienne qu'Unamuno appelait « l'histoire intérieure » (intrahistoria).

Dans la première série des Épisodes nationaux, c'est Gabriel Araceli, narrateur mais non personnage principal, qui donne à l'action son fil conducteur. Il n'est que le témoin des événements prodigieux auxquels il fut mêlé par hasard. Les romans de Galdós voulaient susciter le patriotisme par des exemples et des souvenirs d'un passé de risques où il fallait décider avec tout son être, comme cela fut le cas lors des invasions napoléoniennes.

La seconde série des Épisodes a pour héros-narrateur Salvador Monsalud. Elle montre les affrontements idéologiques d'une nation en crise. Comme l'exprime Ricardo Gullón dans son ouvrage, Galdós, novelista moderno, « l'accent s'est déplacé de la prédominance du patriotique à la prédominance du politique, et le peuple espagnol n'apparaît déjà plus uni comme[...]

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Écrit par

  • : profesor y catedràtico de la universidad nacional de Cordoba, Espagne

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