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PÉREZ GALDÓS BENITO (1843-1920)

La société contemporaine

Doña Perfecta (1876) ouvre un nouveau cycle de romans. Galdós se rend alors compte des problèmes de conscience, des excès de l'intolérance, du fanatisme, de l'hypocrisie et des préjugés raciaux. Il cherche dans le roman à thèse à inquiéter son milieu social. Ainsi, tant Doña Perfecta que La Familia de León Roch et Gloria (1877) marquent un accroissement de tension dans le monde galdosien, quoique Marianela (1878) soit une œuvre de recueillement et de piété intérieure : ainsi affronte-t-il la phase proprement moderne du drame espagnol.

Le premier ouvrage de cette époque, La Desheredada (La Déshéritée, 1881), témoigne des dons de finesse du narrateur comme de ses talents de psychologue ; c'est ainsi qu'il met en relief le phénomène social de l'ambition et de l'ostentation. Dans cette œuvre, l'appétit de l'argent et l'amour de la richesse apparaissent comme le stimulant le plus puissant des milieux bourgeois. Mais ce roman n'a pas seulement de l'importance par l'attention qu'il porte à un problème brûlant ; il s'inscrit aussi dans la ligne même de l'évolution historique du roman européen, puisque avec lui Galdós réussit à fondre deux grands modèles de l'art romanesque du siècle passé, le volontarisme stendhalien (Le Rouge et le Noir) et l'évasion flaubertienne (Madame Bovary). La Déshéritée est donc beaucoup plus qu'un roman sur l'ambition et l'acharnement à triompher personnellement dans la vie sociale par la puissance et la richesse, c'est une expérience de synthèse qui aspire à identifier le roman au réel.

Galdós, comme on le voit, a saisi le thème vivant de l'homme contemporain, dont la situation concrète dans la société définit l'essence de son être comme dialectique, le milieu même du réel comme évanescent et obscur. Cette expérience de caractère ontologique sera reflétée dans le drame spirituel et psychologique de Máximo, personnage du roman El Amigo Manso (L'Ami Manso). Dans cet ouvrage, Galdós, avec une inquiétude toute métaphysique, accentue la part de l'élément fantastique, si important au début de sa carrière de romancier, pour autant qu'on puisse considérer La Sombra comme son premier roman, puisqu'il fut publié longtemps après sa rédaction.

Máximo Manso apparaît conçu, originellement, non comme un simple protagoniste tiré d'une réalité sociale supposée, mais comme une virtualité d'âme qui, spontanément, avant même de s'être incarnée dans la vie, se manifeste à partir d'un inconnu insaisissable. Cette qualité ontologique fait pressentir au lecteur la présence d'un más allá (un « plus là », un surréel), où Máximo doit retourner définitivement à travers les affres de sa mort. Par ce moyen, Galdós cherche à mettre en relief l'idée que le roman, en tant que pure dimension de l'imaginaire, est une possibilité de l'abstrait, ainsi que l'a soutenu aussi Lukács. Enfin, cette conception du roman considéré comme « dimension de l'abstrait » a empêché Galdós de tomber dans le simplisme des théories naturalistes, tenues pour la clé unique d'interprétation des coutumes ou des passions humaines.

Ainsi, de telles perspectives ont permis à Galdós d'affronter le monde souterrain des passions secrètes et morbides, qui apparaît au premier plan de son œuvre Lo Prohibido (L'Interdit, 1884). En rédigeant ce roman, l'auteur fut conscient de cette sorte de connivence psychologique qui imprègne les relations illicites, aussi bien dans la licence que dans l'hypocrisie, et que les préjugés sociaux cherchent à étouffer.

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Écrit par

  • : profesor y catedràtico de la universidad nacional de Cordoba, Espagne

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