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PÉREZ GALDÓS BENITO (1843-1920)

Une volonté de catharsis

Lo Prohibido ne fut toutefois que le tremplin qui permit à Galdós d'écrire ensuite d'une traite son roman le plus important, qui est aussi le plus significatif, Fortunata y Jacinta (1887). Ce fut un instant de plénitude ; l'univers galdosien est alors marqué par une réalité visible, approfondie dans son intentionnalité, fouillée jusqu'en ses désirs les plus inavoués. Un tel souci fit de Fortunata y Jacinta une étude remarquable de finesse sur la société madrilène de l'époque. Le récit des amours de Juanito Santa Cruz pour sa femme, Jacinta, et sa maîtresse, Fortunata, constitue le noyau de l'histoire. La première est une représentante typique de la bourgeoisie, de ce monde dont le plus vif stimulant réside dans les affaires et le commerce. Fortunata, en revanche, incarne une psychologie de femme du peuple, avec sa vivacité, sa tendresse sans fard et sa capacité d'affection et d'intégrité morale. Ces deux milieux sociaux sont décrits avec des détails apparemment superflus, mais qui attirent l'attention du lecteur sur ces registres irrécusables du réel.

Le fait d'avoir réussi, dans Fortunata y Jacinta, une image aussi vivante et achevée de la société bourgeoise de son temps démontre que le talent de l'auteur commençait à franchir le seuil du pur romanesque pour atteindre à une vision philosophique du réel. De ce point de vue, le monde des hommes apparaît structuré de façon artificielle ; il est déjà asservi à cet ordre bureaucratique et administratif de l'État qui le gouverne. Une telle intuition fut développée par Galdós dans Miau, qu'il écrivit tout de suite après et dont le héros est Ramón Villaamil : c'est le drame du petit fonctionnaire en congé d'activité (cesante) et de l'ambiguïté existentielle créée par la situation de soumission de l'individu à un ordre d'« immanence bureaucratique », selon l'expression de Galdós.

À certains égards, ce roman annonce l'univers kafkaïen. Il s'agit déjà de mesurer la domination de l'homme par une force démoniaque, où le pouvoir de l'État puise sa force de contrainte. Ce pouvoir est presque aussi incommensurable que le mal ; il y a cependant une différence entre le mal et le pouvoir : ce dernier possède une ubiquité de principe qui repose sur son abstraction et sa facticité, et, surtout, sur sa qualité d'idée indéfinissable. C'est ce qui détermine la crise de conscience de l'homme moderne, qui affecte sa représentation du monde et de la vie. Sa réalité devient conjecturale, symbolique. Ce thème confère leur importance aux œuvres de Galdós parues en 1889 : La Incógnita (L'Inconnue), Torquemada en la hoguera (Torquemada sur le bûcher), et Realidad (Réalité). Elles résultent d'un profond désarroi intérieur, d'un souci d'éclaircir l'indétermination abyssale des humeurs de l'homme. Mais comme La Incógnita et Realidad (qui forment en réalité un même roman, même si le titre est double) représentent le monde des bavardages et des jugements téméraires des gens, Torquemada en la hoguera manifeste l'accession de Galdós au plan critique où il reconsidère le destin humain. Finalement, c'est une sorte de retournement sur lui-même, où il part à la recherche d'une possible catharsis personnelle ou d'une régénération de l'esprit espagnol. Ainsi naîtra Ángel Guerra (1891-1892), roman dans lequel on a cherché à voir comme un abrégé du monde galdosien, où l'on a lu des expériences vécues de Galdós transposées dans le roman. Au reste, aussi bien la série de Torquemada que celle de Nazarín (1895), Misericordia et El Abuelo (L'Aïeul, 1897), par lequel se termine le cycle des romans espagnols contemporains, ne furent, au fond, que des œuvres d'expérience qui devaient le[...]

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Écrit par

  • : profesor y catedràtico de la universidad nacional de Cordoba, Espagne

Classification

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