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BRITTEN BENJAMIN (1913-1976)

Une fois de plus, l' opéra était mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mort combien de fois, depuis 1904, l'année de Madame Butterfly de Puccini ? Mort en 1911, après Le Chevalier à la rose de Strauss ; mort en 1925, après Wozzeck de Berg – mais Wozzeck mit vingt ans à s'imposer, alors que Le Chevalier avait été, encore, un triomphe immédiat. Mais l'opéra s'obstine à renaître des cendres de ses propres triomphes, parfois avec des œuvres que les amateurs du genre rejettent de leur royaume : Pelléas, de Debussy, dès 1902, était-ce encore un opéra ?

En 1945, le 7 juin, à Londres, à Sadler's Wells, Peter Grimes en fut un. Un succès immédiat, comme pour Le Chevalier. Dès 1946, Peter Grimes fut produit à Stockholm, Bâle, Anvers, Zurich, Tanglewood. En 1947, à Hambourg, Berlin, Mannheim, Brno, Copenhague, Budapest et à la Scala de Milan. Rapidement, on le traduisit dans une vingtaine de langues ; le tour du monde. Le 24 mars 1949, la création en langue française, à Strasbourg ; un record, lorsqu'on songe à la paresse traditionnelle avec laquelle la France prend connaissance des chefs-d'œuvre, étrangers surtout. Il est vrai que le metteur en scène (et traducteur) s'appelait Roger Lalande, un pionnier.

L'auteur, en 1945, avait trente-deux ans : il était né à Lowestoft, dans le Suffolk. Baigné par la mer, nourri par elle, grandi près d'elle, avec elle ; la mer, de tous les éléments, celui qui, le plus, à sa surface et dans ses profondeurs, offre et recèle la musique du monde.

Le climat

Britten commence à composer dès l'enfance et, à l'âge de onze ans, il devient l'élève du compositeur Frank Bridge. Étudiant au Royal College of Music de Londres à partir de 1930, ses professeurs pendant trois ans seront Harold Samuel, Arthur Benjamin et John Ireland. C'est à cette époque qu'il écrit ce qu'on considère officiellement comme son opus 1, la Sinfonietta (1932). Après l'audition de Wozzeck en 1934, il visite Vienne mais ses projets d'étudier avec Alban Berg se heurtent à l'opposition de sa famille et de ses professeurs anglais. À sa sortie du collège, sa Phantasy (op. 2) pour hautbois et trio à cordes est jouée au festival de l'International Society of Contemporary Music à Florence en 1934, mais c'est avec les Variations sur un thème de Frank Bridge (op. 10), créées au festival de Salzbourg de 1937, qu'il fera sa première vraie percée dans le monde musical international. En 1935, il est attaché à la section cinématographique des postes anglaises (G.P.O. Film Unit) pour une série de films documentaires dont il compose la musique, avec des moyens limités et très peu conventionnels. Britten faisait alors équipe avec le poète Wystan Hugh Auden, dont l'émigration aux États-Unis l'aida à prendre conscience de l'incertitude de son propre avenir et le décida à partir lui aussi en Amérique. Là, il compose son Concerto pour violon (1939), la Sinfonia da requiem (1940), sa première grande œuvre symphonique, créée par le New York Symphony Orchestra sous la direction de John Barbirolli, son Quatuor à cordes no 1, un premier essai d'opéra – Paul Bunyan –, des cycles de mélodies – Les Illuminations (1939), sur des poèmes de Rimbaud, et les Sept Sonnets de Michel-Ange (1940).

Les Sonnets étaient en italien, et composés pour la voix de ténor aigu de Peter Pears : un grand artiste et, désormais, le compagnon de Britten, dans l'art et dans la vie, l'inspirateur et le créateur de beaucoup de ses grandes œuvres lyriques, à commencer par Peter Grimes, commandé par la fondation Koussevitzky, mais achevé seulement en 1945 après le retour de Britten en Angleterre.

Benjamin Britten et Peter Pears - crédits : Gerti Deutsch/ Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Benjamin Britten et Peter Pears

Peter Pears et Benjamin Britten - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Peter Pears et Benjamin Britten

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Deller

Ce poème, cette symphonie de la mer, c'est aussi la première tentative d'exorcisme que Britten exerce sur lui-même ; renaissance de la catharsis[...]

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Écrit par

  • : critique musical
  • : critique des revues Opéra, Avant-Scène, réalisateur de l'exposition Benjamin Britten aux Opéras

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Médias

Benjamin Britten et Peter Pears - crédits : Gerti Deutsch/ Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Benjamin Britten et Peter Pears

Peter Pears et Benjamin Britten - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Peter Pears et Benjamin Britten

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Deller

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