RABIER BENJAMIN (1869-1939)
« Il est certain que nul mieux que Benjamin Rabier ne paraît au courant de tout ce qui se passe chez les animaux, nul n’a dessiné et ne dessine de plus amusante façon les scènes de leur vie quasi humaine.» En une phrase, qui figure dans sa préface au catalogue d’une exposition d’aquarelles de Benjamin Rabier à la galerie d’art Deplanche en 1910, Guillaume Apollinaire avait dit l’essentiel.
Né à La-Roche-sur-Yon le 30 décembre 1864 (et non 1869, comme on le trouve souvent, Benjamin Rabier s’étant rajeuni de cinq ans dans un article autobiographique paru dans un numéro spécial de la revue L’Album en 1902), « l’homme qui fait rire les animaux » – défini ainsi par l’historien d’art François Robichon – place ses dessins à partir de 1891 dans les nombreux journaux humoristiques de l’époque. Il est également fonctionnaire aux Halles de Paris, un poste qu’il n’abandonnera qu’en 1910, le succès venu. En 1898, il publie son premier livre important, Tintin-Lutin (texte de Fred Isly), aventures d’un jeune garçon à la houppe blonde : certains y verront l’une des sources du Tintin d’Hergé, mais ce lien reste hypothétique, car Hergé ne se souvenait pas d’avoir lu cet album. C’est en 1906 que paraît son œuvre maîtresse, constamment rééditée depuis : une version illustrée des Fables de La Fontaine. Son talent pour dessiner les animaux dans des situations amusantes se confirme en 1907-1908 dans Histoire comique et naturelle des animaux, une publication bihebdomadaire de trente et un numéros qu’il réalise entièrement.
En 1917, le ministère de la Guerre fait appel à lui pour que figure sur les camions de ravitaillement une vache hilare, baptisée « la Wachkyrie » pour se moquer des Walkyries, les divinités de la mythologie germanique qu’avaient fait connaître en France les opéras de Richard Wagner. Ce dessin donnera l’idée au fromager Léon Bel de lancer en 1921 un nouveau produit, qu’il appelle « La Vache qui rit ». Benjamin Rabier dessine en 1923 l’emblème de la marque, une vache rouge qui, selon un procédé de mise en abyme, porte des boucles d’oreille à leur tour constituées de boîtes de Vache qui rit. Cette image est connue aujourd’hui dans le monde entier.
Une autre création de Benjamin Rabier qui lui a survécu est Gédéon, un canard malicieux, justicier de la basse-cour, héros de seize albums, parus de 1923 à 1939, année de la mort de Benjamin Rabier, survenue le 10 octobre à Faverolles (Indre). Gédéon connaîtra une seconde jeunesse à l’occasion d’une série télévisée d’animation réalisée par Michel Ocelot en 1976.
Benjamin Rabier était lui-même passionné par les dessins animés. Il en réalisa une vingtaine (les quatre premiers, en 1916-1917, en collaboration avec Émile Cohl). Il est aussi le coauteur d’environ vingt-cinq pièces de théâtre : des comédies, des opérettes et des vaudevilles.
Il influença Alain Saint-Ogan et, surtout, Hergé, qui pasticha ses animaux rieurs dans une planche de Tintin au pays des Soviets, et lui rendait volontiers hommage, écrivant notamment à propos de sa découverte, enfant, d’illustrations de Benjamin Rabier pour les Fables de La Fontaine : « C’est à coup sûr de cette rencontre que date mon goût pour un dessin clair et simple, un dessin qui soit compris instantanément. C’est, avant toute chose, cette lisibilité que je n’ai cessé de rechercher moi-même. »
Bibliographie
C. Alberelli, Benjamin Rabier, Glénat, Grenoble, 1981
O. Calon, Benjamin Rabier, Tallandier, Paris, 2004
J. Manoury, Benjamin Rabier illustré. Catalogue de son œuvre, Tallandier, Paris, 2003
F. Robichon, Benjamin Rabier.L’homme qui fait rire les animaux, Hoëbeke, Paris, 1993
C. Vital dir., Benjamin Rabier.Gédéon, La Vache qui rit et Cie, catal. expos., Somogy, Paris, 2009.
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Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
Classification
Média