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JACQUOT BENOIT (1947- )

Benoît Jacquot est un réalisateur et scénariste français. Né le 5 février 1947 à Paris, cinéphile, puis assistant (notamment de Marguerite Duras), réalisateur pour le service de la recherche de l’ORTF d’un film sur Jacques Lacan en 1974, il alterne par la suite adaptations littéraires et essais cinématographiques. Il signe ainsi de nombreux téléfilms : Une villa auxenvirons de New York (1983), chapitre 3 de L’Amérique de Kafka ; Princesse Marie (2004) biopic inspiré sur Marie Bonaparte, disciple de Freud ; ou encore en passant par le romanesque en costumes de La Viede Marianne (1994), d’après Marivaux. Ses travaux documentaires sont aussi originaux par leurs sujets que par leur forme (Merce Cunningham, 1982). Des spectacles destinés à la scène sont montés dans le seul but d’être filmés pour le petit écran, comme le one-man show de Fabrice Luchini, Voyage au bout de la nuit (1984) ou les mises en scène de Brigitte Jaques, Elvire Jouvet 40 (1987) et La Place royale de Corneille (1994). Quant à La Fausse suivante (2004), de Marivaux, et l’opéra Tosca (2001), de Puccini, ils furent réalisés pour le cinéma. Benoît Jacquot a également mis en scène Werther de Jules Massenet au Royal Opera House de Londres, une production reprise à l’Opera Bastille de Paris en 2010. Passionné par le travail d’acteur, Par cœurs (2022) brosse les portraits d’Isabelle Huppert et de Fabrice Luchini au moment où chacun d’eux va entrer sur scène au festival d’Avignon 2021.

Dans le cinéma de fiction, Benoît Jacquot fraie des voies peu fréquentées sur le front de la tradition comme des avant-gardes, allant des classiques films de divertissement à ceux qui montrent une esthétique très composée. L’Assassin musicien (1975) et surtout LesEnfants du placard (1977), ses deux premiers longs-métrages, sont d’exigeants films d’auteur ; l’inconscient y intervient aussi bien au niveau de la psychologie des personnages que dans le décryptage de l’œuvre dont le langage se réfère à Robert Bresson par sa tendance à l’épure et sa manière d’atteindre directement le sens second de l’anecdote. Superproduction à grand spectacle, Les Ailes de la colombe (1981), d’après Henry James, inaugure de nombreuses transpositions romanesques : Corpset biens (1986, d’après un roman noir de James Gunn), Les Mendiants (1988, d’après Louis-René des Forêts), LÉcole de la chair (1998, d’après Yukio Mishima, bien servi par Isabelle Huppert) et surtout Adolphe (2002), un film voulu par Isabelle Adjani qui tenait à interpréter le personnage inspiré par Germaine de Staël, obligeant le cinéaste à recentrer sur elle le roman de Benjamin Constant pourtant écrit à la première personne du masculin ; la chronique du désamour s’étire ici en un lamento grandiose.

C’est que, même lorsqu’il mène à bien des projets plus conventionnels, Jacquot s’approprie habilement les règles grâce à des touches modernes dans la narration comme dans le traitement des lumières ou en jouant de l’audace des situations. Ainsi dans Pas de scandale (1999), le PDG sorti de prison (Fabrice Luchini) ne parvient pas à se réinscrire dans la normalité en trompe-l’œil d’une existence bourgeoise. Le SeptièmeCiel (1997) place le psychanalyste au troisième sommet du triangle de la comédie de mœurs à la française. Dans Sade (2000), lorsqu’il évoque la période que l’écrivain passa à la clinique de Picpus en pleine Terreur, le cinéaste privilégie le personnage d’Émilie de Lancris (Isild Le Besco) et occulte la figure du marquis.

Benoît Jacquot parvient à faire de certains succès critiques du roman moderne de remarquables réussites du cinéma de qualité. C’est le cas des Adieux à la reine (2012) d’après Chantal Thomas, et de Villa Amalia (2009) d’après Pascal Quignard, un film dépouillé, travaillant le temps de la fuite dans la solitude que choisit une pianiste célèbre[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Autres références

  • LES ADIEUX À LA REINE (B. Jacquot)

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    • 1 032 mots

    Benoît Jacquot est né à Paris en 1947. Cinéphile passionné par Fritz Lang, Mizoguchi ou Jacques Tourneur, il travaille très tôt dans le cinéma, aussi bien comme stagiaire sur des films commerciaux, que comme ami et proche collaborateur de Marguerite Duras (Nathalie Granger, India Song), ou réalisateur...

  • CINÉMA ET OPÉRA

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    • 3 248 mots
    • 6 médias
    Benoit Jacquot apparaît comme l'un de ses héritiers. Sa version de Werther de Jules Massenet (présentée à Covent Garden en 2004, puis à l'Opéra-Bastille en 2010) atteste, elle aussi, d'une recherche de vérité et d'intériorité qui dépoussière la mise en scène d'opéra et lui confère une nouvelle...