GROULT BENOÎTE (1920-2016)
Tout au long de sa vie d’écrivain, Benoîte Groult aura fait une large place aux combats en faveur du féminisme et aux engagements politiques.
Née le 31 janvier 1920 à Paris, Benoîte Groult entre tardivement en littérature. Élevée dans une famille bourgeoise – sa mère est la sœur du couturier Paul Poiret –, elle épouse le journaliste Georges de Caunes en 1946 puis, en 1952, le romancier Paul Guimard. C’est d’ailleurs sous le nom de Benoîte Guimard qu’elle fait son entrée en littérature en traduisant Comme ils sont (1960), un recueil de nouvelles de la caustique poétesse américaine Dorothy Parker. C’est Paul Guimard, avec qui elle vivra jusqu’à sa mort en 2004, qui l’incite à passer à la fiction sous son propre nom. Elle publie son premier livre en 1962, avec sa sœur cadette Flora (1924-2001), aussi blonde qu’elle est brune. Ce Journal à quatre mains, qui mêle souvenirs de la guerre et douleurs adolescentes, sera suivi du Féminin pluriel (1965) puis de Il était deux fois (1968).
En 1972, elle publie, seule, un premier roman, La Part des choses, chez Grasset, devenu son éditeur attitré. Mais c’est surtout avec la parution d’Ainsi soit-elle (1975) que Benoîte Groult, énergique autant qu’irrévérencieuse, fait son entrée dans le paysage littéraire, avec plus d’un million d’exemplaires vendus et de nombreuses traductions. Après Le Deuxième Sexe (1949) de Simone de Beauvoir, son ouvrage, best-seller féministe, change la vie de nombreuses femmes qui ne se voyaient qu’à travers le regard des hommes. « Il faut enfin guérir d'être femme. Non pas d'être née femme mais d'avoir été élevée femme dans un univers d'hommes, d'avoir vécu chaque étape et chaque acte de notre vie avec les yeux des hommes et les critères des hommes. » Lutteuse infatigable, devenue proche de François Mitterrand dont Paul Guimard était l’ami, elle signe plusieurs romans à succès comme Les Trois Quarts du temps (1983) ou Les Vaisseaux du cœur (1988). Dans Histoire d’une évasion (1997), qui associe ses souvenirs à des parcours de femmes, elle souligne la constance de cet exercice conduit sur elle-même : « C’est par l’écriture que je me suis construite de livre en livre. »
Parallèlement, Benoîte Groult s’engage avec vigueur dans la défense des droits des femmes. En 1978, elle fonde avec Claude Servan-Schreiber le mensuel féministe F Magazine, dont elle signe les éditoriaux. À partir de 1982 et jusqu’à 2013, elle siège au jury du prix Femina et s’impose comme une figure de la vie littéraire française. De 1984 à 1988, elle préside la Commission de terminologie pour la féminisation des noms créée par la ministre des Droits des femmes, Yvette Roudy. « Quand il n’y a pas de mots pour nous, c’est que nous n’existons pas », explique-t-elle. Les termes « auteure », « écrivaine » ou « professeure » seront introduits grâce au travail de cette commission.
Après avoir milité en faveur de la condition des femmes, Benoîte Groult s’attaque au tabou de la mort libre et consentie avec La Touche étoile (2006), où elle traite de la vieillesse avec une belle vivacité d’esprit et se fait la porte-parole de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
« Une interminable course d’obstacles. » C’est ainsi qu’elle évoque sa vie dans son autobiographie Mon Évasion (2008), où l’on retrouve son énergie, son humour, son hédonisme, une sorte d’allégresse tempérée par le besoin d’en découdre, toujours avec bonne humeur. Dans son dernier ouvrage, elle revient à son principal combat : Ainsi soit Olympe de Gouges (2013) est le portrait d’une figure fondatrice du féminisme, à l’époque de la Révolution française, qui finit sur l’échafaud.
Comme Françoise Giroud, Benoîte Groult a contribué à donner aux femmes leur juste place dans la société française. Celle qui[...]
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Écrit par
- Laurent LEMIRE : journaliste, écrivain
Classification
Média