BÉRENGER DE TOURS (999?-1088)
Écolâtre de Tours qui provoqua dans l'Église, au milieu du xie siècle, par son enseignement sur l'eucharistie, une très importante controverse, contribuant, avant Anselme du Bec, au progrès du raisonnement dans les questions sacrées.
Né, au tout début du xie siècle, dans une famille tourangelle fortunée, Bérenger acquiert une solide formation grammaticale et dialectique à l'école de Chartres, sous l'autorité de l'évêque Fulbert. Comme plusieurs de ses proches, il s'agrège au chapitre de Saint-Martin de Tours et enseigne comme grammaticus, dès 1032, à l'école cathédrale, qu'il dirige bientôt avec la charge de chancelier. Vers 1040, il y ajoute les fonctions d'archidiacre et de trésorier épiscopal à Angers. Piqué, semble-t-il, d'émulation par l'exemple de Lanfranc, au Bec, il aborde, aux environs de 1048, avec une préparation médiocre, l'enseignement de la scriptura divina : les Pères, puis les Psaumes et saint Paul. La rigueur qu'il cherche à donner à ses démonstrations, son abondance verbale et, d'autre part, son austérité, sa piété, sa bienfaisance envers les pauvres, le prestige de ses charges lui valent un grand ascendant sur de nombreux disciples qui propagent ses doctrines à travers l'Europe.
Le scandale qui allait remplir sa vie est cependant provoqué par un billet qu'il adresse lui-même à Lanfranc, lui reprochant de juger hérétiques les propositions de Jean Scot sur l'eucharistie, et le provoquant à une dispute publique. Au lieu de quoi il est convoqué par Léon IX au synode romain d'avril 1050 et excommunié, en son absence, pour avoir exalté l'enseignement eucharistique de Jean Scot. Bérenger passe ensuite de disputes publiques humiliantes en synodes de condamnation (quatorze en tout), non sans subir, du fait du roi Henri Ier, un emprisonnement de quelques mois (1050), qui lui donne occasion de relire saint Jean, en qui il croit trouver une confirmation éclatante de ses vues.
Plus complètement que dans ses lettres, dont une vingtaine ont été conservées, il expose sa pensée dans un très long texte de justification, intitulé longtemps plus tard De sacra coena (éd. Beekenkamp, 1941) et adressé à Lanfranc comme réponse à la réfutation d'un écrit, perdu, qui attaquait l'Église et reprenait les positions qu'il avait dû quitter au synode romain de 1059. Dans cette réponse, il confirme que pour lui le corps et le sang du Christ sont présents sur l'autel, mais d'une présence spirituelle, symbolique du Christ réel, devant laquelle ne disparaissent pas les natures du pain et du vin. Son culte pour la dialectique lui interdit d'affirmer que les accidents subsistent sans leur « sujet ». Exploitant des passages d'Augustin, il n'en affirme pas moins le plus grand respect pour l'autorité de l'Écriture, mais en la subordonnant à la suprématie de la raison, image de Dieu et source d'évidence.
De fait, l'immense controverse déchaînée par lui aura servi l'entrée du raisonnement et de l'art dialectique dans l'étude sacrée, qui prépare immédiatement la scolastique. Après le synode romain de 1079, où il cède encore une fois, par opportunité, à Grégoire VII, il se retire dans la solitude de Saint-Cosme, « torturé à la pensée d'avoir, sous la pression des circonstances, renié ses convictions personnelles » (J. de Montclos). Il y termine, en paix avec l'Église, une vie édifiante.
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Écrit par
- André CANTIN : chargé de recherche au C.N.R.S.
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