BERLIN (foyer culturel)
L’ originalité culturelle de Berlin s’ébauche à la fin du xixe siècle. Elle s’affirme dans les années 1920, après la formation du Grand Berlin résultant de l’annexion d’une partie de la banlieue. La capitale de la République de Weimar (1919-1933) s’impose alors comme un des pôles artistiques de l’Europe. S’y développent (avec l’agonie de l’expressionnisme dans l’entourage de la revue Der Sturm, la Nouvelle Objectivité, le réalisme social) les avant-gardes littéraire, théâtrale, photographique et ‒ notamment avec les films confusément catalogués « expressionnistes » ‒ cinématographique. Ce bouillonnement est étouffé en 1933, dès qu’Adolf Hitler occupe le poste de chancelier auquel il a été appelé par le président de la République, le maréchal Hindenburg. Le gouvernement nazi veut voir en Berlin le lieu représentatif de la politique du IIIe Reich. Après la défaite de l’Allemagne en 1945, la ville est scindée en quatre « zones d’occupation ». Elle est séparée en deux par un mur à partir de 1961. De chaque côté, urbanisme et vie culturelle vont être organisés conformément aux positions idéologiques réciproques des instances officielles. La « chute » du Mur en 1989 signifie pour la ville un redémarrage, tant dans l’Allemagne réunifiée que dans la Communauté européenne. L’urbanisme de la nouvelle capitale est réaménagé fondamentalement, et les traces de la mémoire historique de Berlin suscitent de nombreux débats.
Une ville en constante transformation
À la suite de l’avènement de la République de Weimar en 1919, Berlin a été réorienté par ses édiles vers une « métropole » à l’américaine structurée par de grands axes, avec un centre-ville et une grille de quartiers disposés tout autour. Son dynamisme d’alors a été transposé dans Berlin, symphonie d’une grande ville (1927)[Die Sinfonie der Großstadt], film muet de Walter Ruttmann, ou dans le roman d’Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz (1929). Ce fut le rayonnement de ses théâtres, avec des pièces de Bertolt Brecht, d’Ernst Toller, de Carl Zuckmayer, et les mises en scène d’Erwin Piscator. Les peintres de la Nouvelle Objectivité, ou soucieux d’un « réalisme social », comme Otto Dix et George Grosz, y trouvèrent de nombreux sujets d’inspiration. Les amateurs de musique affluèrent pour écouter les compositions de Paul Hindemith, d’Arnold Schönberg, de Kurt Weill. Tournés dans les studios de l’U.F.A. (Universum-Film AG) à Babelsberg, un quartier de Potsdam, les films de Fritz Lang, Fritz Wilhelm Murnau, Georg Wilhelm Pabst et Josef von Sternberg hissèrent le cinéma allemand à une place de choix.
Dès 1933, les gouvernants nazis entreprennent de balayer cette culture qu’ils jugent délétère et, à partir de 1937, de démanteler la ville, au profit d’un urbanisme exaltant l’omnipotence du IIIe Reich, à travers des édifices gigantesques de style néo-classique. Hitler, qui avait choisi l’architecte Albert Speer comme planificateur, assignait à Berlin le rôle de «capitale du monde», sous le nouveau nom de Germania. Mais, en 1945, les bâtiments qui restent debout sont rares au milieu des 75 millions de mètres cubes de décombres.
La fin de la Seconde Guerre mondiale donne naissance en juillet-août 1945 à un découpage de Berlin en quatre « zones d’occupation » (américaine, britannique, française et soviétique), fruit des négociations entre les Alliés. Un plan de reconstruction de la ville est confié par l’administration soviétique à un maître de l’architecture moderne, Hans Scharoun, qui préconise en 1946, dans un « plan collectif » pour l’Ouest et l’Est, un urbanisme aéré, facilitant la circulation, avec des avenues imposantes.
Malheureusement, les divergences entre les trois gouvernements occidentaux et celui de l’Union soviétique, à partir de 1946-1947, se transforment en oppositions[...]
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Écrit par
- Lionel RICHARD : professeur honoraire des Universités
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Médias