BERLIN (foyer culturel)
Une ville en chantier
En 1921, le romancier Heinrich Mann estimait que Berlin pouvait être à la source d’une harmonisation de la citoyenneté allemande beaucoup plus efficace que des mesures juridiques, la capitale portant en elle «la force d’attirance d’un foyer de civilisation». Historiquement, cette vision s’est révélée une chimère. Pour l’Allemagne des régions, où pesait le conservatisme des traditions, Berlin, dans son excitation incessante, ne pouvait incarner l’identité allemande.
L’idée d’une adéquation entre la capitale et la diversité de l’Allemagne actuelle n’a pas manqué, pourtant, de revenir au centre des débats en 1999, quand le Reichstag a retrouvé sa fonction. Berlin, centre politique de décision ? Plus personne ne le conteste. Ville miroir, reflétant les problèmes de l’ensemble des Allemands ? C’est une illusion que de le croire. Si, de l’extérieur, Berlin apparaît comme une métropole d’un bouillonnement culturel stupéfiant, il le doit à ses métamorphoses architecturales sans fin.
Oui, Berlin est une capitale mondiale : celle de l’architecture de notre monde contemporain. De Walter Gropius, Le Corbusier, Oscar Niemeyer, Hans Scharoun, Mies van der Rohe, Bruno Taut à David Chipperfield, en passant par Norman Foster, Helmut Jahn, Daniel Libeskind, Jean Nouvel, Ieoh Ming Pei ou Renzo Piano, les maîtres constructeurs du xxe siècle y ont inscrit leur marque. Ceux du xxie siècle y déposeront aussi leurs empreintes. Réagencement du Kurfürstendamm à l’Ouest, de l’Alexanderplatz à l’Est, reconversion des 380 hectares de l’aéroport de Tempelhof fermé en 2008, reconstruction du château royal avec réaménagement de l’environnement de l’université Humboldt en un quartier entremêlant science et commerce: les chantiers ont encore des décennies devant eux.
Oscillant régulièrement autour de 360 millions d’euros dans les années 2010, le budget de Berlin pour la culture a été maintenu à une hauteur enviable en comparaison des autres capitales européennes. Mais la capitale allemande, manquant d’industries, est pauvre. Sa dette est énorme, plus de 60 millions d’euros en 2012. Beaucoup d’artistes berlinois craignent que leur ville, gravement diminuée dans ses vertus d’impulsion créatrice, ne se transforme en une métropole de pur prestige international. Le risque serait alors de voir la manne du tourisme culturel engloutir l’inventivité artistique.
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Écrit par
- Lionel RICHARD : professeur honoraire des Universités
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Médias