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BERLIN (JEUX OLYMPIQUES DE) [1936] Les nazis et l'olympisme

« Olympia » (« Les Dieux du stade »)

Olympia (Les Dieux du stade), Leni Riefenstahl, 1938 - crédits : Daco-Verlag/ Leni Riefenstahl

Olympia (Les Dieux du stade), Leni Riefenstahl, 1938

Hitler souhaite que la réussite olympique nazie soit matérialisée, conservée et transmise, afin de marquer l'histoire. Le cinéma constitue alors un instrument de propagande majeur pour le régime ; le führer décide donc qu'un long film documentaire, sorte d'ode en images célébrant l'olympiade, soit réalisé. Il confie cette tâche à Leni Riefenstahl. Cette dernière, proche du pouvoir nazi, a déjà tourné pour le régime, à l'occasion du grand congrès de Nuremberg, un film de propagande : Le Triomphe de la volonté (Der Triumph des Willens, 1934). Leni Riefenstahl, qui n'est pourtant pas appréciée par Joseph Goebbels, obtient d'immenses moyens, débloqués sur ordre du führer lui-même. Elle réunit une équipe de trois cents personnes, dont une quarantaine de cameramen, expérimente toutes les techniques de prises de vues, s'appuie sur la technologie la plus moderne de l'époque, qui lui permet de filmer de près comme de très loin, use de toutes les possibilités du ralenti, emploie des caméras en mouvement, fait creuser des tranchées le long des pistes pour y installer des rails de travelling... Découpage du mouvement, ralentis, travellings, gros plans, vues lointaines : Leni Riefenstahl invente toutes les bases du film de sport.

Le tournage débute plusieurs jours avant l'ouverture des Jeux, car la cinéaste souhaite filmer les athlètes à l'entraînement ; moins de 10 p. 100 des images seront conservées durant le montage, qui dure quinze mois. Cette débauche de moyens donne un résultat esthétique saisissant. Plutôt que de coller à la réalité des compétitions, Leni Riefenstahl cherche à construire le geste sportif parfait en trouvant l'angle le plus flatteur : durant 3 heures 30, corps musculeux et muscles saillants se mêlent à des vues du ciel ; courses, sauts et lancers deviennent un spectacle à la géométrie parfaite ; mouvements de foules compactes ou remises de médailles magnifient la dramaturgie du stade. Olympia, qui sortira en France sous le titre Les Dieux du stade, comprend deux volets : Fest der Völker (La Fête des peuples) et Fest der Schönheit (La Fête de la beauté). Le film est présenté le 20 avril 1938 à Berlin, pour l'anniversaire d'Hitler, et connaît un triomphe. Quelques mois plus tard, il obtient la coupe Mussolini lors du festival de Venise – mais le duce a convaincu le jury, qui semblait préférer Autant en emporte le vent de Victor Fleming, de faire le « bon choix »...

Bien sûr, le film fait polémique après la Seconde Guerre mondiale. Leni Riefenstahl défend son œuvre dans ses Mémoires (1987) : « J'ai tourné Olympia comme une célébration de tous les athlètes et un rejet de la théorie de la supériorité de la race aryenne. » Faut-il la croire ? Peu importe. Olivier Joyard (Les Jeux Olympiques, d'Athènes à Athènes, L'Équipe, 2003) analyse parfaitement le propos et la démarche : « Les images du film, aussi plastiquement parfaites soient-elles, sont autre chose qu'un simple support de propagande à effet immédiat : quelque chose de plus pernicieux. Elles montrent, avec un pouvoir de séduction intemporel, l'être humain comme une forme pure, défini par ses seules attitudes et ses attributs identitaires, et non par sa capacité à exister comme individu. L'eugénisme est le fond, détestable, des Dieux du stade. Le sport y est considéré comme une danse virtuose autour de laquelle se construit un rituel collectif d'adoration. Autant dire un simple instrument au service d'une idée de l'homme et de la société dont on connaît les effroyables dégâts. »

En effet, Olympia constitue une sorte de piège narcissique dans lequel des foules conquises à l'avance peuvent s'identifier sans réserve aux héros qu'on leur présente. Une version dénazifiée de la première[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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