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BUFFET BERNARD (1928-1999)

À trente ans, en 1958, le peintre Bernard Buffet voit son œuvre consacrée par une rétrospective à la galerie Charpentier, dont le catalogue est préfacé par Claude Roger-Marx. Jusqu'en 1999, l'artiste fournit au moins une centaine de tableaux par an, sans compter les dessins et les estampes. La maladie a pourtant vaincu ce bourreau de travail, qui s'est donné la mort dans sa propriété de Tourtour (Var) le 4 octobre 1999, laissant derrière lui une production prolifique de quelque 8 000 toiles depuis si longtemps contestée qu'elle oblitère ses débuts fulgurants.

Bernard Buffet est né le 10 juillet 1928 à Paris. Sa carrière tient en quelques dates : renvoyé du lycée à quinze ans, en 1943, il suit des cours de dessin avant d'être reçu au concours d'entrée de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris qu'il quitte deux ans plus tard pour travailler seul. Après plusieurs participations à des salons, sa première exposition personnelle, organisée par Guy Wheelen et présentée à Paris par Pierre Descargues dans une librairie de la rue des Écoles en 1947, le révèle aux yeux des amateurs perspicaces et des collectionneurs clairvoyants. Il reçoit le Prix de la jeune peinture et entre sous contrat dans la galerie du marchand Emmanuel David qui s'associera ensuite avec Maurice Garnier. En 1948, alors qu'il n'a que vingt ans, la presse lui décerne, ex æquo avec Bernard Lorjou, le Prix de la critique. Il est le lauréat, en 1955, d'un référendum organisé par la revue Connaissance des arts pour désigner les dix meilleurs peintres de l'après-guerre. L'année suivante, alors que le monde entier commence à le connaître après des expositions à New York, Bâle, Copenhague..., il participe à la biennale de Venise. À elles seules, ces quelques dates jalonnent le parcours météoritique d'un jeune artiste qui incarne alors le renouveau de la peinture française, à tel point qu'on le désigne souvent comme le nouveau Picasso ! Ce qui ne manque pas de surprendre aujourd'hui tant son style semble, depuis longtemps, sclérosé.

Mais ce succès précoce et rapide ne peut se comprendre que dans le contexte des questions qui sont débattues autour de la figuration et de l'abstraction, du réalisme et de l'art engagé. Il ne fait pas de doute que l'hostilité de la critique de grande presse vis-à-vis de l'abstraction favorise l'engouement pour la peinture de Bernard Buffet, héritière des grands réalistes du xixe siècle, peinture d'autant plus médiatisée qu'elle perpétue le pessimisme de la vision du monde de Francis Gruber récemment disparu, dont elle renouvelle, de manière probante d'ailleurs, le graphisme nerveux et les gradations de gris marquées de lignes noires. Mais la force des œuvres de la période dite « misérabiliste » (1946-1951) se fige très vite en un maniérisme immédiatement identifiable dont les moyens plastiques ne se renouvellent plus, à l'exception peut-être de l'utilisation de couleurs vives. Si ce que l'on nomme le « style Bernard Buffet », compromis entre l'académisme des Salons et les nouvelles tendances de l'art auxquelles les valeurs bourgeoises ne sont pas préparées, lui assure, indépendamment de sa signature également typée, un large succès auprès du public, en revanche sa surproduction, ses expositions annuelles à thème, son incapacité à maîtriser son succès et à contrôler la demande jamais relâchée du marché n'inspirent à la critique qu'un profond mépris auquel l'artiste, par l'intermédiaire des seuls journaux à grands tirages, ne manque pas de riposter en entretenant d'ailleurs la polémique par ses propos acerbes et des formules définitives.

Bien que de plus en plus replié sur son monde, il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1971 et est[...]

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