ESPAGNAT BERNARD D' (1921-2015)
Le physicien français Bernard d'Espagnat, spécialiste de l'étude des particules élémentaires, une des branches de la physique les plus marquées par le renouvellement rapide des connaissances, fut un des penseurs notoires sur les problèmes conceptuels et philosophiques de la mécanique quantique. Dépassant le public restreint des physiciens et des philosophes des sciences, son ouvrage À la recherche du réel. Le regard d'un physicien (Gauthier-Villars, 1979) a fait découvrir à de nombreux lecteurs un métaphysicien de l'Être.
Fils de Georges d'Espagnat – peintre postimpressionniste –, Bernard d'Espagnat naît le 22 août 1921 à Fourmagnac, dans le Lot. Il entre en 1942 à l'École polytechnique et en sort déjà voué à la recherche en physique théorique. Il soutient en 1950 une thèse d'État sur les mésons, particules tenues pour responsables des forces nucléaires ; il effectue en 1951-1952 un séjour d'un an à l'Institute for Advanced Study de l'université de Chicago, dans le groupe animé par Enrico Fermi et Gregor Wentzel, suivi, en 1953-1954, d'un autre séjour à l'Institut de physique de l'université de Copenhague dirigé par Niels Bohr. Bernard d'Espagnat rejoint ensuite le tout nouveau Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern), à Genève, où il participe activement à la mise sur pied du groupe de physique théorique. Nommé maître de conférences à l'université de Paris en 1959, puis professeur, il exerce ensuite ses activités au laboratoire de physique théorique et de particules élémentaires de l'université de Paris-Sud-Orsay.
Ses contributions en physique théorique des particules élémentaires ont souvent anticipé sur des développements dont l'importance apparaît aujourd'hui déterminante ; plus exactement, peut-être, ses travaux s'inscrivent dans le creuset d'idées neuves, particulièrement riches d'implications fondamentales, à partir duquel la physique théorique des particules a poursuivi ses constructions. Dans un premier travail de 1949, il proposait une formule importante de la physique des mésons, connue depuis sous les noms de Goldberger et Treiman, qui la retrouvèrent indépendamment en la fondant sur des bases plus élaborées. Cependant, parmi les travaux de d'Espagnat, ce sont essentiellement ceux qui concernent les symétries internes des particules qui retiennent l'attention. Dès 1956, il présenta, en collaboration avec Jacques Prentki, une des toutes premières théories des particules étranges fondées sur les groupes de symétrie, qui faisait intervenir une quantité connue depuis sous le nom d'hypercharge. En 1962, encore avec J. Prentki, il introduisit dans la théorie des interactions faibles la notion de rotation de l'espace dit de spin isotopique dans le groupe SU(3), et fut amené à considérer des combinaisons de courants dits à ΔS = 0 et ΔS = 1, ce qui préparait et préfigurait la théorie développée peu après par Nicolas Cabibbo. Il considéra également, dans ce travail et dans un autre paru l'année suivante, les notions nouvelles et controversées de courants neutres et de bosons intermédiaires neutres de l'interaction faible. Ces notions ont connu par la suite une fortune remarquable avec la théorie unifiée des interactions faibles et électromagnétiques développée par Abdus Salam et Steven Weinberg, et la découverte expérimentale des courants neutres en 1973 ; quant aux bosons neutres, ils sont l'objet des recherches les plus ambitieuses de la discipline.
La parution sous sa plume, en 1965, d'un livre intitulé Conceptions de la physique contemporaine inaugure une nouvelle phase de ses recherches, consacrées désormais à ces questions où science et philosophie se rejoignent. Il y présente, en les clarifiant et en les confrontant, les diverses[...]
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Écrit par
- Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Autres références
-
SCIENCE (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 563 mots
...le monde de la connaissance, les sciences ont accédé à une réalité énigmatique et déroutante, une « incertaine réalité », pour reprendre les termes du physicien Bernard d’Espagnat (1921-2015). Deux hypothèses s’affrontent alors : celle qui voit dans ces évolutions une crise passagère, comparable à...