BERNARD DE CLAIRVAUX (1090-1153)
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La théologie de saint Bernard
Bernard s'adresse à des moines. Sa théologie mystique concerne des hommes dont la fonction, à l'intérieur d'un monastère, consiste dans une entière application donnée à l'amour de Dieu. Il ne s'agit pas de récuser l'apport du savoir humain, mais tout ce savoir n'a d'importance que dans la mesure où il est ordonné à la vérité religieuse. L'essentiel, obligatoirement requis, exige un constant apprentissage de l'amour de Dieu. Celui-ci comporte des étapes progressives dont l'aboutissement sera l'union parfaite de l'esprit de l'homme avec Dieu-Esprit. À la fine pointe de son âme (acies mentis), l'homme possédera une expérience de Dieu. Expérience ineffable et incommunicable, mais réelle.
Le premier pas est la connaissance de soi. L'homme saisit sa capacité de Dieu en découvrant le mystère de son origine. Créé à l'image et à la ressemblance divine, il a perdu par la faute originelle et par ses propres erreurs la parfaite ressemblance ; le but de l'existence sera de la recouvrer. D'où l'ascèse, la nécessité d'imiter le Christ afin de passer de l'état charnel à l'état spirituel. La chair ne doit pas être méprisée, toutefois elle est une limite. La distance qui sépare la chair de l'esprit est comparable à un abîme que l'homme ne peut franchir que par l'intermédiaire du Christ qui, tout en se faisant esclave par l'incarnation, prend le titre de « Roi », c'est-à-dire libéré de sa propre prison charnelle. En passant par l'humanité de Jésus, l'âme contemplative parvient au Verbe. Elle franchit ainsi le niveau charnel pour adhérer au plan spirituel qui lui permet de s'unir à Dieu en l'aimant. L'unité de l'esprit est décrite par Bernard de Clairvaux comme une communion parfaite. L'âme devient comparable à une épouse, celle dont le Cantique des cantiques célèbre les noces. Le commentaire de Bernard sur ce chant nuptial résume toute sa doctrine. Fidèle à l'enseignement patristique, il décrit la joie et l'angoisse de l'âme savourant la divine présence de l'aimé ou s'affectant douloureusement de son absence. Dans la mesure où la trinité humaine (mémoire, raison, volonté) est rénovée par la grâce, l'âme, ayant donné son consentement à l'action divine qui la transforme, détourne son regard du monde extérieur ; en s'intériorisant, elle acquiert une suprême liberté qui l'affranchit de ses vains désirs, de ses appétits et de ses curiosités. Orientée vers Dieu, elle le rencontre et possède une suave expérience de son union à lui. Cette union entre le divin et l'humain devient rarement un état mais des éclairs laissent une trace de lumière suffisante pour que l'âme puisse attendre avec patience le retour de l'aimé. Ce thème de la lumière, sur lequel Bernard insiste à la suite d'Origène, apparaît fondamental. L'Époux est pour l'Épouse comparable à la clarté et à la chaleur de midi. Cette illumination ne subira plus d'alternance lors de la vision face à face. C'est pourquoi l'Épouse attend joyeusement le jour de l'éternité, non pas le jour qui commence le matin et se termine le soir, mais celui du plein midi qui réunit à la fois la chaleur et la lumière : « Ô éternel solstice où le jour n'a plus de déclin ! Ô lumière de midi, ô douceur printanière, ô beauté estivale, ô fécondité ! »
Cette doctrine nuptiale, présentée par Bernard, devait avoir une profonde influence sur la mystique chrétienne. Elle s'inscrit dans la tradition judéo-chrétienne de la Bible et de ses commentateurs.
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Écrit par
- Marie-Madeleine DAVY : maître de recherche au C.N.R.S.
- Marcel PACAUT : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Lyon-II-Lumière
Classification
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