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GREGORY BERNARD (1919-1977)

Bernard Gregory a particulièrement marqué de son influence le Conseil européen de la recherche nucléaire, le C.E.R.N. ; il en fut directeur général de 1966 à 1971. Directeur général du Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) de 1973 à 1976, puis délégué général à la Recherche scientifique et technique, il a eu une grande influence sur l'ensemble de la vie scientifique française. La sûreté de ses jugements, fondée sur des dons d'analyse et de synthèse exceptionnels, l'avait d'abord conduit à de très grandes réussites, au niveau européen, dans l'organisation de la recherche concernant la physique des hautes énergies, qui fut le domaine de ses années de chercheur. Les postes éminents qui lui furent alors confiés en France lui permirent très vite d'étendre son action à toutes les activités de recherche.

Bernard Paul Gregory fut, en 1938, reçu premier à l'École normale supérieure et à l'École polytechnique. Il choisit cette dernière. Ses études sont interrompues par la guerre et par la captivité. Après la Libération, il sort premier de l'École polytechnique et devient ingénieur du corps des Mines. Attiré par la recherche scientifique, il passe trois ans au Massachusetts Institute of Technology, où il travaille sur les réactions nucléaires induites par les rayons cosmiques, sous la direction du professeur Bruno Rossi. Il soutient sa thèse de doctorat en 1950.

De retour à Paris, Bernard Gregory se consacre entièrement à la recherche fondamentale, dans le laboratoire de l'École polytechnique dirigé par le professeur Louis Leprince-Ringuet. C'est la grande époque de l'étude des rayons cosmiques à l'aide de « chambres de Wilson » (détecteurs dans lesquels les trajectoires suivies par les particules microscopiques dont on désire observer les interactions se matérialisent par des gouttelettes de liquide formées dans un gaz amené au moment voulu dans un état métastable).

L'équipe qu'il anime, en collaboration avec Charles Peyrou, et qui comprend André Lagarrigue, Francis Muller et, par la suite, Rafaël Armenteros et André Astier, construit un des détecteurs les plus puissants de l'époque en combinant deux chambres de Wilson et l'exploite au pic du Midi. Ce détecteur permet d'obtenir, sur la désintégration des « particules étranges », dont l'appellation était encore bien justifiée, un grand nombre de résultats, en particulier la mise en évidence du mode de désintégration μν (muon-neutrino) du méson K, dont l'existence joua un rôle important dans la compréhension des interactions faibles.

Ce type de recherche devait cependant subir assez vite une profonde mutation avec la mise en œuvre des grands accélérateurs permettant d'obtenir la formation abondante et contrôlée des particules à vie brève décelées dans le rayonnement cosmique.

Gregory fut le grand artisan de cette mutation, au sein du laboratoire de l'École polytechnique, qui fut et demeure en France l'un des tout premiers pour la physique des hautes énergies. Après une année passée au Brookhaven National Laboratory, aux États-Unis, à maîtriser la technique des «  chambres à bulles » (détecteurs où les trajectoires suivies par les particules microscopiques se matérialisent, cette fois, par des bulles de gaz formées dans un liquide amené au moment voulu dans un état métastable), il devient en 1958 le maître d'œuvre d'une chambre à hydrogène de 81 cm. Ce détecteur, un des plus puissants en son temps, fut construit à Saclay et installé au C.E.R.N., à Genève, où le synchrotron à protons de 28 GeV, le P.S., venait d'être achevé. Les possibilités offertes par ce type de détecteur sont très supérieures à celles des chambres de Wilson. Les techniques qu'il requiert ne purent cependant être développées qu'à partir du milieu des années 1950. De 1961 à 1971, la chambre de 81 cm[...]

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Écrit par

  • : physicien au Cern, Genève, membre de l'Académie des sciences de Suède, correspondant de l'Académie des sciences de France

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