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HINAULT BERNARD (1954- )

Une seconde carrière

Du statut d'équipier, Fignon est ainsi propulsé en un été à celui de rival : il semble évident que deux champions de cette trempe ne pourront pas cohabiter au sein de la même formation. En outre, les relations entre Hinault et Guimard se sont distendues, si bien que Hinault lance un ultimatum aux responsables de la Régie Renault : « L'an prochain, ce sera Guimard ou moi. » La réponse est nette : ce sera Guimard, avec Fignon pour leader. L'homme d'affaires Bernard Tapie, qui souhaite investir dans le cyclisme pour promouvoir ses entreprises, saute sur l'occasion et engage Bernard Hinault – un pari osé, car rien ne garantit que le Breton se remettra de son opération et retrouvera son niveau d'antan. En 1984, donc, Hinault participe au Tour de France au sein de la formation financée par Bernard Tapie, La Vie claire. Le duel entre Fignon et Hinault passionne le public, mais la supériorité du premier est manifeste. Hinault, plein de panache, joue son va-tout dans l'étape menant à L'Alpe-d'Huez ; mais il a présumé de ses forces et perd définitivement cette édition de la Grande Boucle, dont il prend la deuxième place à plus de 10 minutes de Laurent Fignon. Néanmoins, grandi dans la défaite, Hinault gagne ici une popularité que le public ne lui avait jamais accordée jusqu'alors.

Mais les ambitions industrielles et économiques de Tapie sont internationales : en 1985, il recrute l'Américain Greg LeMond. Bien qu'il s'en soit toujours défendu – et puisque Fignon est hors du jeu en raison d'une tendinite qui nécessite une opération –, Tapie orchestre les succès de ses deux champions dans le Tour de France en fonction de ses intérêts commerciaux : celui de 1985 sera pour Hinault ; celui de 1986, pour LeMond. En 1985, Hinault gagne une nouvelle fois le Giro, devant l'Italien Francesco Moser. Lors du Tour de France, LeMond semble à plusieurs reprises, notamment dans les Pyrénées, en mesure de distancer Hinault, mais il est mis à la raison par le directeur sportif de l'équipe, Paul Koechli, qui lui ordonne d'appliquer les directives de Tapie et de reporter d'une année ses ambitions. Bernard Hinault remporte donc pour la cinquième fois la Grande Boucle, devant LeMond, et rejoint Jacques Anquetil et Eddy Merckx dans la légende.

De longue date, Bernard Hinault avait annoncé qu'il prendrait sa retraite sportive à l'issue de la saison 1986. Il s'aligne donc pour la dernière fois au départ du Tour, pour « aider » Greg LeMond à l'emporter, selon le pacte passé par les deux champions et Tapie l'année précédente. Mais, pour un homme de la trempe de Bernard Hinault, il est plus que difficile de renoncer à devenir le premier coureur six fois vainqueur de la Grande Boucle. Hinault rompt le pacte dans les Pyrénées et passe à l'offensive. LeMond, un moment décontenancé, se reprend. Vers L'Alpe-d'Huez, dans un grand show médiatique orchestré de toute pièce par Bernard Tapie, les deux champions font finalement cause commune et franchissent ensemble la ligne d'arrivée : l'étape est pour Hinault, le Tour pour LeMond.

Comme il l'avait annoncé, Bernard Hinault prend sa retraite sportive en fin d'année. Le cyclisme entre dans une autre ère, celle de la mondialisation de ce sport, de l'arrivée massive de l'argent, qui s'accompagnera de turbulences – dont le recours généralisé au dopage – dans lesquelles il continue de se débattre.

— Pierre LAGRUE

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Média

Bernard Hinault - crédits : Allsport UK/ Allsport/ Getty Images Sport/ Getty Images

Bernard Hinault

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  • SPORT (Disciplines) - Le cyclisme

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    Comme Jacques Anquetil et Eddy Merckx, Bernard Hinault va remporter cinq fois le Tour de France. Dès 1978, le Breton se montre le « patron » du peloton : il se pose en leader des coureurs qui se mettent en grève à Valence-d'Agen pour protester contre la profusion des demi-étapes et les trop nombreux...