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KOUCHNER BERNARD (1939- )

Médecin et homme politique français.

En mai 2007, le choix du président Nicolas Sarkozy de nommer Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, au ministère des Affaires étrangères et européennes pouvait surprendre. Rien de moins évident, en effet, que d'imaginer cette figure emblématique de l'humanitaire, célèbre pour ses coups d'éclats médiatiques, endosser le costume de la Realpolitik et les manières prudentes et discrètes du diplomate. Cela étant, la décision est intervenue à point nommé pour couronner la carrière riche et mouvementée d'un personnage iconoclaste.

Né le 1er novembre 1939 à Avignon, Bernard Kouchner a suivi des études de médecine comme son père. Étudiant, il découvre la politique dans les luttes contre la guerre d'Algérie et milite activement au sein d'organisations contestataires – l'Union des étudiants communistes (UEC) notamment. Sa vie bascule en août 1968 lorsqu'il répond à un appel de la Croix-Rouge internationale qui cherche des médecins pour intervenir au Biafra, une province du Nigeria déchirée par la guerre civile. Cette expérience se révèle fondatrice : bouleversé par cette terrible aventure, il poursuit dans un engagement qui aboutit à la création en 1971 avec des amis de Médecins sans frontières (MSF), association qu'il présidera jusqu'en 1979. Kouchner et les autres french doctors seront alors appelés à intervenir partout dans le monde. En 1979, il affrète un navire-hôpital pour accueillir les boat people vietnamiens ayant fui le régime communiste. Cette opération spectaculaire contribue à sensibiliser l'opinion publique à l'action humanitaire d'urgence. Mais l'année suivante, à la suite de dissensions au sein de MSF., il cofonde une nouvelle association, Médecins du monde.

Dans les années 1980, le gastro-entérologue de l'hôpital Cochin à Paris devient le chantre du « droit » et même du « devoir d'ingérence humanitaire », une notion qu'il théorise avec le juriste Mario Bettati, et qui implique de passer outre la souveraineté des États pour répondre à des urgences humanitaires. L'Organisation des Nations unies reconnaîtra progressivement la légitimité de cet impératif en évoquant dès 1988 un « droit d'assistance humanitaire ». En 2005, elle adoptera grâce à son secrétaire général Kofi Annan le principe de la « responsabilité de protéger ».

Tandis que l'humanitaire devient une réalité incontournable de la vie des États, Kouchner prend le chemin d'une carrière politique. S'il échoue à deux reprises à se faire élire à l'Assemblée nationale (en 1988 dans le Nord, puis en 1996 dans les Bouches-du-Rhône), il est élu député européen en 1994 sur la liste du Parti socialiste. Surtout, plusieurs gouvernements le sollicitent. Il est d'abord secrétaire d'État auprès du Premier ministre Michel Rocard, en charge de l'Action humanitaire (de 1988 à 1991) ; il occupe les mêmes fonctions dans le gouvernement d'Édith Cresson (de 1991 à 1992), avant de devenir ministre de la Santé et de l'Action humanitaire dans celui de Pierre Bérégovoy (de 1992 à 1993). Après la victoire de la gauche plurielle, il est désigné secrétaire d'État à la Santé du gouvernement de Lionel Jospin (de 1997 à 1999), haut représentant de l'ONU au Kosovo (1999-2001), puis ministre délégué à la Santé (de 2001 à 2002).

Aussi diverses soient-elles, ses actions ne laissent guère indifférent. Ses admirateurs soulignent en particulier son caractère fougueux et opiniâtre, ses engagements courageux. Ses détracteurs insistent en revanche sur l'ambiguïté de ses positions, à cheval entre la société civile et les officines du pouvoir. Pour certains, il incarnerait des turpitudes de l'action humanitaire (instrumentalisation par[...]

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Écrit par

  • : chercheur en science politique à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

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