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LAMARCHE-VADEL BERNARD (1949-2000)

Bernard Lamarche-Vadel, collectionneur français d'art contemporain, châtelain d'Ille-et-Vilaine, fils de vétérinaire, né en 1949, est également critique et écrivain. Fait peu banal, il a toujours gardé le nom de la femme qu'il a rencontrée à dix-neuf ans, Gaëtane Vadel. Sa vie tout entière est organisée, maîtrisée, planifiée, réorientée pour faire œuvre littéraire des passions du critique et du collectionneur, en compagnie des femmes, dans la toute-présence de la mort. Ce projet s'inaugure en poésie, se concrétise en écrits critiques sur l'art contemporain, se spécialise en photographie, avant de trouver dans l'autobiographie transcendée sa dimension de fiction tragique. Premier jalon, Vétérinaires (1993) traverse les souvenirs écran d'une enfance placée sous l'autorité du père et déjà sous le signe de l'animalité. Cet ouvrage obtient le prix Goncourt du premier roman.

L'œuvre de Lamarche-Vadel se dévoile sur fond de société française à la fin du xxe siècle – une médiocratie libérale technocrate. L'auteur y développe, dans une langue éclatante, avec des périodes à la Bossuet, la pensée née d'une civilisation rurale où l'animal est dépositaire de toute dignité comme de toute fraternité. Deux figures éclairent ce parcours de loin, celles de Joseph Beuys et de Thomas Bernhard. L'un est le prototype de l'artiste fondateur, chaman ami des animaux, que le critique est parmi les premiers à défendre en France ; l'autre, dans son rapport de haine-passion à son pays natal, comme dans sa haute exigence d'écriture, sert de modèle à son projet littéraire. Lamarche-Vadel instaure une forme de filiation non chronologique entre eux. Dans Sa Vie, son œuvre (1997), son livre-manifeste, Beuys est le nom d'un des cinq enfants que se prête l'écrivain aux côtés de Charlotte Salomon, Kurt Schwitters, Emil Nolde et Franz Marc. Cette paternité moderniste permet à Lamarche-Vadel de s'affirmer écrivain contemporain dans la proximité de Thomas Bernhard. Si ce dernier s'inspirait de Maîtres anciens, Lamarche-Vadel s'attache à accompagner ses contemporains de L'Atelier français, dès les années 1970, au service de la Figuration libre.

Son œuvre comporte une trentaine de livres d'art, dont un peu moins de la moitié, ses derniers, concernent la photographie, et une petite dizaine d'ouvrages de pure littérature. Du premier corpus se détache l'illustration de parcours aussi singuliers que ceux de Giacometti, Jacques Mahé de La Villeglé, Roman Opalka, Mimmo Paladino, Erik Dietman ou Helmut Newton. Dès la fin des années 1980, L'Atelier français devient essentiellement photographique ; aux critiques de circonstance se substituent peu à peu les textes littéraires écrits dans le partage de la création d'artistes comme Magdi Senadji, Jean-Philippe Reverdot, Philippe Bazin ou Yves Guillot. Leur parcours, leurs œuvres apportent une réponse à l'outrage fait à l'auteur par son pays. Victime d'une indélicatesse lors de la vente d'une œuvre, il est mis en question par la justice et par le fisc, et traqué par ses huissiers. Il en témoigne ainsi : « La France en moi a martyrisé et tué le Français que je fus. De là s'ensuit mon immobile errance entre les genres, entre les états [...]. Ce livre, je l'ai écrit autant homme que femme, fils que père, Français aussi bien qu'Allemand ou Japonais, mort et vivant, animal et humain... » La littérature est le lieu de réconciliation, de réparation où le collectionneur et le critique ne font plus qu'un dans la défense de ces « authentiques problématiques de vision, ce par quoi voir n'est pas reconnaître, mais le difficile apprentissage de seuils inédits de la perception du monde ». Désormais, la photographie est devenue le cœur de l'art contemporain. Cette fusion prend la forme de l'exposition [...]

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Écrit par

  • : critique d'art, enseignant à l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles, rédacteur en chef de la revue lacritique.org

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