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MALAMUD BERNARD (1914-1986)

Né à New York de parents juifs immigrants, épiciers à Brooklyn, Bernard Malamud fait des études littéraires au City College de New York pendant la Dépression. Titulaire d'un bachelor of arts d'anglais, il exerce divers métiers avant d'obtenir un poste dans le secondaire. En 1961, il est nommé à Bennington College, dans le Vermont : pendant plus de vingt ans, il y donnera des cours de creative writing.

Dans ses premiers romans, Le Commis (1957), Une nouvelle vie (1961), L'Homme de Kiev (1966), c'est tout un travail de déconstruction et de reconstruction du personnage qui est accompli. Déconstruction du personnage initial, rendu totalement présent, dès qu'il est nommé, par l'illusion réaliste ; reconstruction d'un personnage qui doit son « être » à un récit et au texte qui le porte, et qui accède peu à peu au plein statut de personnage, qui est en quelque sorte d'incarner une parole qui, sans lui, n'aurait pas vu le jour. Tout commence donc par l'écriture : en dernier ressort, l'auteur est à lui-même sa propre norme. Pour qui se soucie d'écriture, l'intérêt de la nouvelle est qu'elle permet, par sa brièveté, de reposer sans cesse le problème de sa propre élaboration. Rien d'étonnant, donc, si Malamud a commencé par écrire des nouvelles et en a publié plusieurs recueils (Les Idiots d'abord, Le Tonneau magique, Portraits de Fidelman, L'Homme dans le tiroir). C'est là que les racines juives de Malamud entrent en jeu. Car cet écrivain est avant tout un conteur : il perpétue à sa manière la tradition du conte juif, proche de la parabole, et tout chargé de significations. Parmi ces recueils, Portraits de Fidelman (1969) occupe une place toute particulière. Malamud s'y interroge sur le statut de l'art par rapport au réel et à la vie (à travers les recherches de son personnage, artiste lui-même) et, du même coup, sur la relation qui existe entre le langage et son objet. Un livre important et qui préfigure Les Locataires (1971), roman qui met en scène deux écrivains, l'un juif et l'autre noir. Le passage à la métafiction ainsi qu'à l'écriture fragmentée qui caractérise Les Locataires constitue-t-il un tournant dans la carrière de Malamud ? Pas exactement, car son avant-dernier roman, Les Vies multiples de William D. (1979), tout en prenant pour personnage un biographe, se présente comme un roman très « traditionnel ». S'y dessinent deux grandes préoccupations : l'homme et le monde dans lequel il vit, d'une part, et, d'autre part, l'art, et plus spécialement l'écriture. L'art est à la fois éminemment vrai et éminemment artificiel, et le réel n'est jamais mieux perçu que par l'art, lorsque celui-ci se reconnaît comme artifice, et trouve ainsi sa propre vérité. C'est peut-être ce type de vérité que Malamud a cherché à atteindre dans son dernier roman, La Grâce de Dieu (1982), sorte de fable apocalyptique où des animaux parlants entourent le seul humain survivant, et qui marque le retour du roman au dépouillement originel en en faisant à la fois une fiction, un conte et une parabole.

— Michel TURPIN

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître de conférences à l'université de Tours

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  • SHOAH LITTÉRATURE DE LA

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    • 12 469 mots
    • 15 médias
    ...peut-être dans Dangling Man (1944) de Saul Bellow, avec ces hommes égorgés à Bucarest par les Gardes de fer, puis pendus à des crocs de boucherie. Bernard Malamud oppose, dans sa nouvelle La Dame du lac (1958), le passé juif européen, celui d'une jeune femme italienne qui assume le numéro indélébile...