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MANCIET BERNARD (1923-2005)

On pourrait croire que l'écriture de Bernard Manciet est essentiellement centrée autour du bourg de la Grande Lande où il est né, Sabres, et au voisinage duquel il a fini ses jours, après y avoir passé la plus grande partie de son existence. Son œuvre la plus connue n'est-elle pas un immense poème en seize chants, L'Enterrement à Sabres (1989) ? L'omniprésence du paysage landais et de ses habitants chez Bernard Manciet, comme l'usage quasi exclusif qui fut le sien, en littérature, de l'occitan (gascon) de ses origines, ne font pas de doute. On ne niera pas davantage que la trilogie romanesque composée du Jeune Homme de novembre (1964, mais son écriture est bien plus ancienne), du Chemin de terre (1976) et de La Pluie (1976), ainsi que, plus récemment, le court roman Hélène (1992) soient profondément marqués par ces lieux dont Manciet s'est constamment présenté comme le chantre, aussi bien dans ses essais en français (Le Triangle des Landes, 1981 ; Le Golfe de Gascogne, 1987) que dans son œuvre occitane : « Là subsiste, sache-le, une peuplade bafouée par l'Histoire. Moi, je lui donnerai mieux : de la légende. »

Cette prégnance bien réelle de la Lande et de ses habitants ne saurait cependant masquer l'essentiel : depuis ses premiers poèmes, publiés dès la fin des années 1940, et, plus encore, depuis son premier livre imprimé, un recueil de vers et de proses mêlés intitulé de façon lourde de sens Accidents (1955), Manciet est demeuré avant tout un franc-tireur, toujours fidèle aux failles et aux fractures qui ont sans relâche traversé et façonné en profondeur son écriture. Accidents, évocation apocalyptique de la « catastrophe allemande », que Manciet a connue de près, dès 1946, quand il y fut mobilisé, puis comme diplomate travaillant à la reconstruction pendant les années suivantes avant de partir pour l'Amérique du Sud, donne le ton de toute l'œuvre à venir. Et ce ton est celui de la rupture, de la transgression, du pas de trop qui fait pencher le poème ou le récit du côté du vide, de l'interdit, de ce qui fait peur ou risque d'anéantir. Esquisse autobiographique énonçant par avance la genèse de toute une aventure d'écriture, Le Jeune Homme de novembre dit la quête du souffle contre la maladie et l'effroi, et la guerre sans relâche livrée contre cet autre, créature du dedans et du dehors à la fois, qui hante le narrateur jusqu'à lui faire frôler la mort. Le poème, comme le récit, naît toujours chez Manciet d'une limite franchie ou d'une cassure, d'un tremblement du temps ou du corps qui repousse les frontières du dicible. Ce sont souvent les tempêtes du monde qui ont inspiré, littéralement, le poète : Aux portes de fer (2001, évocation de Belgrade bombardée sur fond de paysage biblique), Le Dire de Guernica (2001), Le Grand Vent (2002), Pour l'enfant de Bassora (2003) sont autant de déchaînements élémentaires dont le souffle se confond avec celui du verbe qu'ils font surgir. Mais ces tempêtes sont aussi tempêtes des corps, dont les attirances sont toujours luttes, et déflagrations : les Odes (recueillies en 1984), Un hiver (1990) ou les Sonnets (1996), dans des genres différents, sont tous traversés par ces désastres intimes et cosmiques dont Accidents, déjà, explorait les retentissements. On ne s'étonnera pas que Manciet, le personnage comme l'œuvre, ait trouvé chez certains musiciens (Bernard Lubat, Michel Portal, Christian Vieussens...) ou chez des hommes de théâtre (Gilbert Tiberghien : une Iphigénie, un Orphée) des alliés essentiels. Multiple et insaisissable, l'écriture de Manciet atteint sans doute son unité la plus authentique quand elle prend le temps de contempler les abîmes dont elle est issue comme dans les proses des Vigilantes (réunies en 1999) et plus encore dans les très brefs récits[...]

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  • OCCITANES LANGUE ET LITTÉRATURE

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    ...tendance à la cosmogonie et à la fresque épique qui a traversé les lettres occitanes dans la seconde moitié du xxe siècle. À ses côtés, il faut citer le Landais Bernard Manciet (1923-2005). Passé par les revues Reclams (à ses débuts) puis Òc, qu'il dirigea de longues années, il se révèle un poète flamboyant...