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NOËL BERNARD (1930-2021)

Bernard Noël est né le 19 novembre 1930 à Sainte-Geneviève-sur-Argence (Aveyron). Après des études secondaires à Rodez, il vient suivre à Paris les cours de l’École supérieure de journalisme, mais abandonne vite cette voie. Dans les années 1960, il travaille à la rédaction des dictionnaires de littérature Laffont-Bompiani avant de devenir directeur littéraire des éditions Delpire, de 1967 à 1970, puis de prendre en 1977 la direction de la collection « Textes » chez Flammarion.

Bernard Noël est l'un de ces écrivains pour qui l'apparente variété des genres littéraires abordés : l'essai, le catalogue de peintre, le journal (Treize Cases du je, 1975), l'ouvrage historique (Dictionnaire de la Commune, 1971), le récit de fiction, le poème ne parvient pas à troubler l'image de rigueur que donnent une pensée et une écriture qui se cherchent l'une l'autre comme autant d'éléments d'une expérience intérieure, dans la lignée de Bataille et d'Artaud.

Poèmes 1, paru en 1983, est un important recueil dont les premiers textes sont datés de 1954 et les plus récents de 1982. Il comprend notamment Extraits du corps (1958), LaFace de silence (1967), La Peau et les Mots (1972). On y discerne la volonté permanente, tenace, exacerbée, de « recommencer » le corps en faisant passer au crible du langage la sensation cénesthésique, celle du vide qui l'habite. Comment être à la fois le corps, la langue qui le parle et la conscience qui le pense ? C'est là l'énigme dans laquelle Bernard Noël se plonge et plonge le lecteur, sans réserve, posant une question décisive : « Est-il un vivant qui se contente de l'esprit ? Et qui puisse penser autrement qu'avec son corps ? » Le corps est un lieu d'équilibre précaire dont il ne peut guère être parlé qu'en termes de rupture ou de catastrophe. Innombrables sont les images de la chute, de l'aspiration, de la coulure, de l'assèchement... L'écriture est une expérience du vide et du vidage, passage obligé avant tout recommencement.

Le poème La Chute des temps (1983) engage sans doute un mode différent de l'écriture, d'une plus grande ampleur rythmique, jouant sur la répétition du mot qui, le pronom relatif passant en outre par toutes les valeurs présentes dans la langue : interrogative, nominale, distributive... C'est encore et toujours la même crise (peut-être euphorique) de l'identité qui se manifeste.

Le Château de Cène, récit publié en 1969 sous le pseudonyme d’Urbain d’Orlhac, dans lequel Bernard Noël chercha, selon ses dires, à « suicider [son] bon goût », s'avéra menacer celui du public, à tout le moins d'une société défensive qui, lors de la réédition du livre en 1973, cette fois sous le nom de l’auteur, inculpa celui-ci pour « outrage aux bonnes mœurs ». Dans un texte de 1975, L'Outrage aux mots, l’écrivain analysera sans complaisance toutes les contradictions inhérentes à cet événement. D'autres récits vont suivre, tels Une messe blanche (1970), Les Premiers Mots (1973), Le 19 octobre 1977 (1998), ou encoreLe Syndrome de Gramsci (1994), où l'expérience de la pensée – ce que Bernard Noël appelle « le monologue extérieur » – se vit cette fois comme douleur, maladie, face à un monde saturé de signes et socialement opaque. Elle ne dit plus alors que l'effacement de soi.

Aux yeux de Bernard Noël, l'écriture est une activité périlleuse : l'être s'y engage à découvert, dans l'inconfort de l'identité, comme dans celui du sens. Le je, tout comme le message prétendument transmis, n'a pas vraiment de contours. Il est ouvert à tous les vents. Le poème n'est qu'une trace.

La manière poétique de Bernard Noël a quelque chose d'exacerbé, d'aride et de brûlant. On y suit la tentative, toujours[...]

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Écrit par

  • : écrivain
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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