BIBBIENA BERNARDO DOVIZI cardinal (1470-1520)
Venu de Bibbiena, petit bourg toscan à flanc de montagne, Bernardo Dovizi fut tôt l'homme de confiance de Laurent le Magnifique, puis de son fils Pierre. Compagnon fidèle, puis serviteur zélé du cardinal Jean de Médicis, il partage l'exil de son maître (1494-1512). Hôte des cours italiennes, il est l'ami et le correspondant des seigneurs, hommes de lettres, artistes, qui apprécient son tempérament enjoué et moqueur. Aussi, dans le célèbre traité de Castiglione, Le Parfait Courtisan (Il Cortegiano, 1526), apparaît-il comme l'interlocuteur chargé d'exposer l'art difficile et raffiné de la plaisanterie. En mars 1513, il est l'un des principaux artisans de l'élection de Léon X (Jean de Médicis), qui le nomme aussitôt trésorier général de l'Église, puis cardinal (sept. 1513). À la cour pontificale, Bibbiena, puissant au point d'être considéré comme alter papa, continue de conjuguer habileté manœuvrière et art de la facétie. Il ne cesse cependant de subordonner son activité diplomatique aux intérêts de la famille Médicis, fussent-ils en contradiction avec ses liens personnels d'amitié.
Pour les fêtes du carnaval de 1513 à Urbin, il compose la Calandria, la pièce la plus lue, jouée, imitée de la Renaissance italienne, plus de vingt fois éditée et souvent représentée tout au long du siècle en Italie et ailleurs (par exemple à Lyon, en 1548, pour l'entrée d'Henri II et de Catherine de Médicis). Dans les éditions les plus récentes, la comédie est précédée de deux prologues, fort divers en longueur et contenu, dont l'attribution et la destination sont encore incertaines.
L'intrigue, qui s'inspire des Ménechmes de Plaute, est pimentée par des jeux équivoques de travestis, les deux jumeaux de sexe différent prenant chacun le nom et le sexe de l'autre. Mais, par le choix même du titre (qui évoque aussi bien Calandro, le mari berné de la pièce, que Calandrino, la dupe la plus célèbre du Décaméron), Bibbiena évoque sa dette envers un autre maître prestigieux : avec un art savant de « marqueteur », il greffe sur l'intrigue latine des éléments propres aux nouvelles de Boccace (la violence de l'amour sensuel, le triomphe de la ruse, la beffa infligée au mari balourd) et insère dans son propre texte des passages entiers du Décaméron. Aucun étalage, toutefois, de pédantisme dans cette pièce où les personnages se poursuivent d'une scène à l'autre en un tourbillon d'apparences trompeuses, tour à tour suscité et maîtrisé par Fessenio, serviteur, meneur de jeu, et projection autobiographique de l'auteur.
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Écrit par
- Anna FONTÈS : assistante à l'université de Paris-III
Classification
Autres références
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ARIOSTE L' (1474-1533)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Paul RENUCCI
- 6 207 mots
L'influence des auteurs latins ne saurait surprendre chez celui qui fut, avec Machiavel et le cardinal Bibbiena, un des pionniers de la comédie classique en Italie, si l'on considère que jusqu'aux premières années du xvie siècle les pièces représentées devant un public cultivé à Rome,...