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CRUSELL BERNHARD HENRIK (1775-1838)

Bernhard Henrik Crusell (né en 1775 à Nystad et mort à Stockholm en 1838) ne serait sans doute jamais passé à la postérité si un engouement discographique récent n'avait fait resurgir son répertoire pour la clarinette.

Issu d'une famille suédoise de relieurs installée dans la partie d'un territoire aujourd'hui rattaché à la Finlande, Crusell fait l'apprentissage de l'instrument qui lui vaudra sa renommée sur une vieille clarinette de bouleau à deux clés. C'est au fort de Sveaborg qu'il se fera remarquer : engagé dans une carrière de musicien militaire, cette situation aura au moins pour avantage de lui permettre de voyager et de parfaire son art auprès de quelques musiciens célèbres. Ainsi, à Stockholm, il rencontre l'abbé Vogler (celui qui a été le professeur de Carl Maria von Weber et de Franz Danzi, entre autres), puis Franz Tausch à Berlin (en 1798) et François Joseph Gossec à Paris en 1803. La clarinette en bouleau à deux clés a cédé la place à celle à onze clés de Grenser et le jeune chef d'un corps de musique militaire à Stockholm en 1792 est devenu premier clarinettiste de la Hovkapellet en 1793, puis celui de l'Harmonie du prince régent de 1794 à 1796. La carrière officielle de Crusell atteint son apogée lorsqu'il est nommé maître de chapelle (de la Hovkapellet) en 1808 après avoir été membre de l'Académie royale de musique. L'accession au trône de Suède du maréchal Bernadotte en 1818 ramène Crusell à la direction de la musique d'un corps militaire : celui des deux régiments de grenadiers de la Garde royale. Il restera à leur tête jusqu'à sa mort.

La vie de Crusell est celle d'un grand virtuose cosmopolite comme le xixe siècle a pu en faire apparaître. Au service des grands du moment, Crusell leur dédie ses œuvres : le Premier Concerto pour clarinette (vraisemblablement écrit en 1798 et publié en 1811) est dédié au comte de Troll-Bonde ; le deuxième (dit « Grand Concerto »), publié en 1816, est dédié au tsar Alexandre Ier, empereur de Russie et roi de Pologne, tandis que le troisième (qui date peut-être de 1807), publié en 1828, est dédié au prince Oscar de Suède et de Norvège (que Crusell a connu en dirigeant chaque été pendant trois mois les deux formations de musique militaire de la Garde royale). À ses concertos, Crusell ajoute une Sinfonia concertante (avec cor et basson), un morceau de concert, trois quatuors et deux duos avec clarinette. Hormis ces compositions pour son instrument favori, Crusell laisse un opéra, Lilla Slafvinna, des mélodies, des cantates diverses pour des loges locales de la franc-maçonnerie et, bien sûr, de nombreuses musiques militaires. Vers la fin de sa vie, ses connaissances linguistiques lui ont permis d'être le traducteur suédois de quelques-uns des opéras les plus connus alors : Les Noces de Figaro de Mozart, Le Barbier de Séville de Rossini, ou encore Fidelio de Beethoven. Crusell se distingue enfin par un souci de protection sociale si caractéristique de la mentalité suédoise : il crée notamment deux fonds pour des veuves de musiciens ! Il est heureux en tout cas que Crusell occupe aujourd'hui la place qu'il mérite dans le répertoire international à travers des compositions originales, dans la lignée des grandes œuvres pour clarinette qui mènent de Mozart à Nielsen en passant par Weber, son contemporain germanique. Et l'écoute attentive de l'exécution de ses partitions pour clarinette par les meilleurs solistes du moment fait souvent regretter que Crusell n'ait pas pu consacrer plus de temps à la composition.

— Michel VINCENT

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Écrit par

  • : maître en lettres modernes et linguistique générale, chargé de cours à la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence, producteur à Radio-France, directeur antenne musique, Radio France Internationale

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