BERNHARDT SARAH ROSINE BERNARD dite SARAH (1844-1923)
« Sarah est morte, la voix d'or s'est tue. On l'aurait presque crue – ou voulue immortelle. » C'est par ces phrases que Liane de Pougy salua la disparition de Sarah Bernhardt. « Immortelle », Sarah Bernhardt l'était alors depuis longtemps. La comédienne à la « voix d'or » était entrée dans la légende de son vivant.
Le théâtre comme une passion
Enfant illégitime d'un notable de province et d'une courtisane de haut vol protégée par le duc de Morny, elle est engagée à la Comédie-Française à l'âge de dix-huit ans, à peine sortie du Conservatoire, mais n'y demeure qu'un an. Les lois de l'institution ne sont guère adaptées à son caractère, et c'est sur la scène de l'Odéon qu'elle connaît son premier triomphe, en 1869. Elle interprète Le Passant de François Coppée. Si la pièce, médiocre, est oubliée, elle est caractéristique de la carrière de Sarah Bernhardt, qui se soucie moins de la qualité littéraire des textes que des passions, portées à l'excès, qu'ils lui permettent d'exprimer. Ce n'est pas un hasard si, tragédienne parmi les plus encensées, elle préfère le Racine de Phèdre (son rôle fétiche, qu'elle reprend régulièrement de 1874 à 1914) ou d'Athalie (1920) à Corneille qu'elle ignore, si elle s'attache aussi bien au Hugo d'Hernani (1877) et de Ruy Blas (1879) qu'au Shakespeare de Macbeth (1884) et Hamlet (1899), dont elle interprète le rôle-titre. Ce n'est pas un hasard non plus si ses auteurs contemporains de prédilection sont Dumas Fils avec La Dame aux Camélias, Victorien Sardou – fournisseur attitré de grands mélodrames tels que Théodora (1884), ou La Tosca (1887), ou encore Edmond Rostand, dont elle crée L'Aiglon en 1900 à l'âge de cinquante-six ans. Ce n'est pas un hasard, enfin, si elle décide en 1896 de sortir de l'oubli le Lorenzaccio d'Alfred de Musset, pièce réputée injouable depuis sa parution en 1834. Dans une version remaniée à son intention par Armand d'Artois, elle assume le rôle-titre, instituant, de facto, une tradition qui veut que seule une femme puisse l'interpréter. Il faudra attendre Jean Vilar et Gérard Philipe, pour qu'un homme joue Lorenzaccio.
Que Sarah Bernhardt soit, du même coup, passée à côté de toutes les révolutions de la mise en scène (Antoine, Copeau) comme de l'écriture (Ibsen, Strindberg, Tchekhov, très sévère à son égard) est une évidence. Mais là n'a jamais été son propos. Elle est avant tout un « monstre sacré », dans la tradition des grandes cantatrices du xixe siècle (Maria Malibran, Giuditta Pasta), mais avec une dimension internationale plus affirmée. Elle court le monde pour se faire applaudir aux Amériques, en Europe centrale, en Russie, voire en Australie et au Sénégal. Elle provoque avec la même virulence autant de passions que de rejets. Certains la baptisent la « Voix d'or du théâtre français », la « Divine », la « Monstrueuse », l'« Unique », d'autres « Sarah Barnum », ou la « Muse ferroviaire »...
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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