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BÉROUL (apr. 1175)

Sous le nom de Béroul, donné par le vers 1268, nous est racontée la légende de Tristan dans la plus ancienne version de langue française, ou plus exactement de dialecte normand. Le récit, dont l'action est située en Cornouailles, commence au moment où le roi Marc surprend la conversation de Tristan et Yseut. Les principaux épisodes sont : l'adultère révélé par la fleur de farine répandue sur le sol, Yseut livrée aux lépreux, la vie sauvage des deux amants dans la forêt de Morois, la loge de feuillage où les découvre le roi, la confession à l'ermite Ogrin, le retour d'Yseut à la cour, sa justification par un serment ambigu. Le récit se termine alors que Tristan semble devoir se venger de ceux qui l'ont trahi. Mais on se demande s'il a été rédigé tout entier par Béroul. On sent, en effet, un changement de ton et de style après le vers 2764. Tout ce qui précède, en tout cas, est d'un talent qui situe l'auteur : ce n'est pas un clerc, mais un conteur resté proche de la tradition orale, ponctuant son récit d'exclamations nombreuses, mais ayant le sens de l'intensité dramatique et aussi l'humour d'un jongleur. Il est vrai que l'enchaînement des épisodes surprend le lecteur habitué aux romans courtois. Mais cette composition heurtée peut recouvrir le type de séquence habituel dans les contes mythiques. Ainsi, le séjour dans la forêt de Morois, loin de représenter la vie idéale telle que la rêve l'âme romantique, représente une faute, ou une erreur due à l'effet temporaire du philtre : les signes de désordre se multiplient alors. Et la seconde partie peut vouloir rectifier cette erreur, non pour ramener les amants à l'ordre d'avant la faute, mais pour leur permettre de faire triompher des obstacles cet amour de cœur sur lequel les écrivains courtois vont développer leur réflexion et leur imagination.

— Daniel POIRION

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

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